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04/11/2024

FACE À LA HAUSSE DES REFUS, 25 PROPOSITIONS POUR LE DON D’ORGANES

L’association de patients Renaloo, la voix des malades du rein, lance un cri d’alerte : il est impératif de faire reculer l’opposition au don d’organes qui sévit en France. Yvanie Caillé, fondatrice de l’association, explique les enjeux.

Quel est l’état des lieux du don d’organes en France ?
Actuellement, 23 000 personnes sont sur liste d’attente d’une greffe, tous organes confondus, dont 20 000 pour un rein. Chaque année, 5000 greffes sont réalisées, dont 3500 environ pour les reins. En moyenne 3 personnes décèdent quotidiennement en attente d’une greffe, dont 70 % attendent un rein. Les délais augmentent.

Parmi les points bloquants : le refus des familles des défunts, qui représente 70 % des causes de non-prélèvement de personnes recensées comme pouvant être donneuses. Les taux d’opposition sont en augmentation : 37 % en 2024. Il était de 36.1 % en 2023.  En Espagne, alors que la législation est identique, c’est-à-dire qu’elle repose sur le consentement présumé des citoyens, le taux d’opposition est de 15 %. Si nous avions le même taux, nous pourrions prélever 1000 personnes en plus chaque année, en sachant que chaque donneur permet la réalisation de 4 greffes en moyenne.

Comment améliorer la situation ?  
La communication au sein des familles est l’une des clefs. Aucun professionnel de santé n’ira à l’encontre de l’avis des proches d’un défunt, même si ce dernier détient une carte de donneur, car elle n’a pas de valeur légale. Au sein d’une famille, lorsqu’une discussion a eu lieu sur le sujet, la décision est plus simple à prendre pour les proches, d’autant qu’ils ont généralement à cœur de respecter la volonté du défunt.
Il est également impératif que les équipes de coordination soient formées – et elles le sont d’ailleurs – car la manière dont elles abordent le sujet avec les proches a un impact majeur sur la décision qui va être prise.
Néanmoins, en France, nous sommes confrontés à une limite de taille : les médecins et les infirmiers coordinateurs hospitaliers ne parlent du don d’organes avec les familles, qu’une fois le décès du patient prononcé. C’est notamment lié au fait que le registre des refus – sur lequel ne sont inscrits que 500 000 personnes – ne peut être interrogé qu’une fois le décès constaté. En Espagne, le sujet est abordé beaucoup plus en amont, dès lors que le diagnostic du patient s’aggrave. Le don d’organes y est envisagé comme un droit de chaque citoyen.

Vous avez organisé en octobre une journée de réflexion au ministère de la Santé qui a abouti à la rédaction de 25 propositions opérationnelles visant à faire reculer l'opposition au don d'organes en France. Quelles sont les priorités identifiées ?
La Déclaration de Paris et ses 25 propositions, portées par les patients, les familles et les professionnels de santé, mobilisent les pouvoirs publics, les organisations des hôpitaux ou encore les sociétés savantes.  
Les lois de bioéthique ont fait du don d’organes et de la greffe une priorité. Or, aujourd’hui, ces pratiques ne sont pas sanctuarisées à l’hôpital. Elles sont en concurrence avec d’autres activités chirurgicales, souvent plus lucratives pour les établissements. Les chirurgiens rencontrent des difficultés majeures pour accéder aux blocs opératoires. Il nous semble crucial que la loi soit mieux appliquée et cela repose sur un engagement politique. Un exemple parlant : en septembre, le CHU de Toulouse a annulé une greffe de rein et de pancréas car il n’a pas été en mesure de mobiliser une équipe pour sa réalisation.
Nous pensons aussi qu’il faut renforcer l’implication des médecins. Souvent les équipes de prélèvements reposent sur les infirmiers coordinateurs hospitaliers, qui rencontrent des difficultés à entrer dans les services. En Espagne, ce sont des duos médecins-infirmiers qui sont impliqués, et cette caution médicale est porteuse. Cela induit également une meilleure reconnaissance des infirmiers coordinateurs par les directions, qui doivent faire preuve d’un plus grand soutien concernant leurs activités.
Enfin, un dernier point :  la reconnaissance des donneurs et des familles, qui déplorent se sentir abandonnées une fois le don effectué. Un accompagnement dans la durée est nécessaire. La reconnaissance de la société s’exprime de façon plus claire dans d’autres pays. En France, au motif de l’anonymat du don d’organes, il ne se passe rien et les familles sont lâchées. Nous pourrions imaginer l’envoi d’un courrier de remerciement de la direction de l’agence de la biomédecine ou l’envoi de nouvelles anonymisées des personnes greffées aux familles des donneurs qui le souhaitent. La réflexion est ouverte. Pour mettre en œuvre nos propositions, de nombreux acteurs doivent se mobiliser. Nous allons aller à leur rencontre pour leur présenter notre travail, à commencer par la ministre de la Santé.

Propos recueillis par Laure Martin

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