Alors que le président Obama bataille pour faire adopter sa réforme sanitaire, la France pourrait tirer quelques leçons. Le chercheur américain Victor Rodwin en fait la démonstration.
C’est une fierté nationale. Les sondages le prouvent régulièrement : les Français sont en majorité plutôt satisfaits de leur système de santé. Aussi, lorsqu’il s’agit de regarder outre-Atlantique, la condescendance est de rigueur. De l’avis du Pr Victor Rodwin, spécialiste des politiques de santé à l’Université de New-York, les Etats-Unis méritent pourtant que l’on s’y penche.
A l’occasion d’une conférence donnée à Marseille le 22 janvier (1), ce dernier a comparé les deux pays. Contrairement aux idées reçues, le chercheur constate que le système américain génère des coûts d’administration supérieurs à ceux de l’Hexagone. Et pour cause : en France, seule la Sécurité sociale régit l’assurance-maladie, tandis qu’aux Etats-Unis près de cinq types de dispositifs cohabitent.
L’un est assumé par l’État fédéral, un autre par les États fédérés (pour les administrés les plus indigents), un autre encore par l’armée (pour ses militaires), d’autres sont gérés par des assurances privées pour le compte d'employeurs et pour finir il existe aussi des assurances individuelles. Ce qui laisse 16% de la population sans aucune couverture.
Malgré les frais de gestion engendrés par ce schéma, la réforme Obama ne le bouleversera pas. Elle vise surtout les 45 millions d’Américains qui ne disposent d’aucune assurance maladie. « C’est une bonne méthode », juge Victor Rodwin. Car d’après ce dernier « les assureurs s’étaient engagés à soutenir la réforme à condition de pouvoir élargir leur part de marché. En contrepartie, ils ont accepté de se soumettre à une réglementation beaucoup plus dure. »
Adaptations nécessaires
Malgré les incertitudes qui pèsent sur cette réforme (2), le chercheur espère encore son adoption. D’autant qu’à ses yeux « l’expérience française prouve qu’une couverture maladie universelle est possible », même si celle-ci ne permet pas une « égalité face à la mort ».
Pour preuve, d’après le chercheur, la France pèche en matière de prévention par rapport aux Etats-Unis où les campagnes de dépistage sont généralisées. « Malgré nos 45 millions de personnes non assurées, sourit-il, nous avons un taux de survie au cancer meilleur qu’en France. »
Ceci mis à part, l’Hexagone est confronté aux mêmes défis que les Etats-Unis. Selon l’universitaire américain, « pour avoir un système de santé durable, la France devra elle aussi s’adapter » à deux phénomènes qui s’opèrent en Occident : le creusement des déficits et la hausse des maladies chroniques.
Une différence de taille apparaît cependant entre les deux pays: « Nous sommes objectivement plus malades que vous, commente Victor Rodwin. Et nos tarifs sont supérieurs aux vôtres. » De quoi laisser une marge de manœuvre aux Français qui, toujours selon le chercheur, mobilisent moins de fonds en matière de santé publique que les Américains. « Cela représente 16% du produit intérieur brut (PIB) aux Etats-Unis, contre 10% en France. »
Marjolaine Dihl
1- À la faculté de sciences économiques de Marseille.
2- Les démocrates ont récemment perdu leur majorité qualifiée de 60% au Sénat, ce qui va certainement compliquer l'adoption de la réforme dans son état actuel.