Dénonçant l’impact des réformes successives sur le quotidien des professionnels infirmiers, plusieurs syndicats et associations interpellent la ministre de la Santé dans une déclaration commune inédite. Un premier pas vers une mobilisation générale des blouses blanches ?
À l'occasion de la venue de la ministre de la Santé, Marisol Touraine, au Salon infirmier, mercredi 24 octobre, trois syndicats et quatre associations représentant les professionnels de la filière infirmière, tous grades et spécialités confondus (1), ont rendu publique une déclaration commune dénonçant la dégradation des conditions de travail des infirmiers. « Il est temps que la profession infirmière comprenne qu’il lui faut un discours commun pour avancer », estime Brigitte Ludwig, présidente de l’Unaibode. Pour les organisations signataires, les conditions d’exercice des infirmières en France sont devenues de plus en plus difficiles et continuent de se dégrader chaque jour, dans un contexte de maîtrise des dépenses de santé et de réorganisation de l’offre de soins. « L’épuisement professionnel et la souffrance au travail des professionnels infirmiers sont de tristes réalités dans nombre d’établissements », ajoute Nathalie Depoire, présidente de la Coordination nationale infirmière (CNI).
Dans le sillage de la réforme des retraites de 2010, l’abandon du critère de pénibilité « est ressenti comme un abandon au sens large » et surtout comme une absence totale de reconnaissance des difficultés d’exercice. Les organisations soulignent que l’âge d’ouverture des droits à la retraite pour les infirmières en catégorie A a reculé non pas de deux ans, mais de sept ans, passant ainsi de 55 à 62 ans. Nombre de professionnels infirmiers travaillent pourtant de nuit ou en alternance, des risques professionnels qui entrent dans le champ des dix facteurs de pénibilité ouvrant droit à une retraite anticipée. Mais ce dispositif, très restrictif, prévoit un départ à 60 ans uniquement pour les personnes souffrant d’une incapacité permanente en lien avec leurs conditions de travail.
« Ni bonnes, ni nonnes, ni pigeonnes »
Qui plus est, la revalorisation salariale pour accompagner le passage en catégorie A des infirmiers est jugée « aussi dérisoire qu’irrespectueuse ». « Avec l’augmentation des cotisations retraites depuis 2010, on nous a pris d’un côté ce qu’on nous donnait de l’autre. Au final, certains professionnels y ont même perdu financièrement », déplore Nathalie Depoire. En dépit des attentes des professionnels, l’universitarisation de la profession ne s’est pas accompagnée d’une reconnaissance statutaire et salariale. Qui plus est, seuls les infirmiers anesthésistes ont obtenu, à ce jour, la reconnaissance de leur formation au grade master.
Cette première déclaration commune devrait être suivie d’autres prises de positions du nouveau collectif, notamment sur la mastérisation et la formation. Elle a, d’ores et déjà, été relayée sur le groupe Facebook « Ni bonnes, ni nonnes, ni pigeonnes, les infirmières aussi ! » , créé mi-octobre. Ce groupe, qui compte déjà près de 4 000 membres, se donne pour objectif de rassembler les professionnels infirmiers afin de dénoncer des conditions de travail devenues aujourd’hui insupportables. Mission : susciter le même « réveil blanc » qu'en 1988. A l'époque, près de 100 000 infirmiers avaient défilé dans les rues.
Joëlle Maraschin
(1) Les signataires : Coordination nationale infirmière (CNI), Association des enseignants des écoles d’infirmiers de bloc opératoire (AEEIBO), Association nationale des puéricultrices diplômées et des étudiantes (ANPDE), Comité d’entente des écoles préparant aux métiers de l’enfance (CEEPAME), Syndicat national des infirmiers anesthésistes (SNIA), Syndicat national des infirmiers conseillers de la santé (Snics), Union nationale des associations d’infirmiers de bloc opératoire diplômés d’Etat (Unaibode).