Lancé fin mars par la secrétaire d’Etat à la Santé Nora Berra, le nouveau plan greffe doit permettre d’atteindre les 5 700 greffes d’organes et de tissus en 2015 et d’améliorer la prise en charge des donneurs et receveurs.
En France, près 14 000 personnes sont en attente d’une greffe d’organe. Un peu plus d’un tiers seulement pourra en bénéficier. La croissance continue des besoins de greffons, dûe au vieillissement de la population, au développement des maladies chroniques et au succès thérapeutique de la greffe - 40 000 personnes vivent en France avec un greffon fonctionnel -, en fait un enjeu de santé publique. Douze ans après le premier plan greffe (2000-2003), qui a permis d’accroître de 50 % l’activité de greffe d’organes en dix ans, un nouveau plan était nécessaire. Lancé le 23 mars dernier par la secrétaire d’Etat en charge de la Santé, Nora Berra, il portera sur la période 2012-2016 et sera piloté par l’agence de biomédecine.
Sensibiliser les familles
Quatre objectifs prioritaires ont été fixés, le premier d’entre eux étant de porter à 5 700 le nombre de greffes d’organes et de tissus en 2015, notamment à partir de donneurs décédés. « Tous les patients en mort encéphalique qui pourraient être donneurs ne sont pas recensés. Il faut aussi développer le prélèvement sur donneur décédé après arrêt cardiaque », a affirmé Emmanuelle Prada-Bordenave, directrice générale de l’agence de biomédecine, jeudi 12 avril, lors d'une conférence visant à présenter le plan. L’enjeu est de former les professionnels de santé, notamment les urgentistes et réanimateurs, qui sont en première ligne, et d'améliorer les relations avec les familles qui viennent de perdre le proche. « S’il y a eu le "mot qui tue", c’est-a-dire une erreur de communication, cela peut bloquer la greffe », avertit la neuphrologue Michèle Kessler. « Nous nous heurtons encore à des situations où les familles ne sont pas au courant des positions de leur proche ; il ne faut pas leur laisser ce poids », insiste le docteur Alain Atinault, directeur prélèvement à l’agence de biomédecine.
Bientôt des dons croisés
Le nombre de greffes à partir de donneurs vivants, qui représentent à peine 10 % de la totalité de l’activité en France, doit lui aussi être augmenté. Les efforts porteront sur le don du rein. « Il faut dire qu’avant la dialyse, il peut y avoir la greffe », affirme Michèle Kessler, qui déplorent que les malades ne songent à la greffe qu'une fois arrivés en phase terminale d’insuffisance chronique rénale; il peut parfois s'écouler un ou deux ans entre le début de la dialyse et l’inscription en liste d’attente pour une greffe. Après un élargissement du cercle des donneurs potentiels aux proches qui ont un lien affectif établi depuis plus de deux ans avec le receveur, un décret devrait bientôt permettre le don croisé entre « deux couples incompatibles », explique Alain Artinault. Le donneur A donne au receveur B et inversement.
L’accent sera également mis sur le développement des allogreffes de cellules souches hématopoïétiques (CSH) utilisées dans le traitement des maladies de sang, en atteignant 240 000 volontaires au don de moelle osseuse recensés en France en 2015, et en portant à 30 000 le nombre d’unités de sang placentaire stockées fin 2013.
« Le rôle précieux des infirmières »
Enfin, le plan greffe visera à faire de la greffe, « qui a été longtemps une thérapie d’excellence, une activité un peu isolée » selon Emmanuelle Prada-Bordenave, une étape dans le parcours d’un patient et à favoriser l’émergence de réseaux de prise en charge, de l’amont à l’aval. Ces réseaux régionaux, à l’image de celui qui a été développé en Lorraine par Michèle Kessler, permettront d’assurer un suivi de qualité des donneurs prélevés et des greffés, mené conjointement par la médecine de ville et l’hôpital. Le but étant de décharger les services de greffe d’une partie des consultations.
Seul bémol de ce plan : il n’y a pas d’enveloppe attribuée. « Les activités de greffe sont bien financées », précise Emmanuelle Prada-Bordenave. La directrice pointe néanmoins « l’évaporation des financements », attribués sous forme de forfaits aux établissements et qui ne se traduisent pas forcément en apports d’argent et de personnels dans les services. « Une partie est utilisée pour combler les déficits », constate la directrice de l’agence. « Il faut que la direction hospitalière fasse de la greffe une priorité. » Emmanuelle Prada-Bordenave appelle également à la mise en place dans chaque équipe de greffe d’une infirmière de coordination. « Elles ont un rôle précieux d’interface, que les médecins exercent plus difficilement. » Encore faut-il en avoir les moyens.
Aveline Marques