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Excédées par le refus du gouvernement d’ouvrir des négociations salariales qui leur permettraient de compenser la chute persistante de leur pouvoir d’achat et de redonner de l’attractivité à leur métier, les infirmières du Royaume-Uni ont annoncé qu’elles se mettraient massivement en grève le 15 et le 20 décembre. Une première, en plus d’un siècle d’existence de leur syndicat.
Pour la première fois depuis sa création en 1916, le puissant syndicat britannique Royal College of Nursing (RCN) vient d’annoncer deux dates de grève des infirmières, les 15 et 20 décembre. Ce mouvement historique devrait être très largement suivi, puisque la grève a fait l’objet d’un vote. « Les personnels de la majorité des établissements qui dépendent de la NHS (le système de santé public au Royaume-Uni) se sont prononcés pour la grève, dans leur lutte pour obtenir de meilleures conditions de salaire et des effectifs suffisants pour garantir la sécurité des soins », détaille le syndicat dans un communiqué.
Depuis plusieurs semaines, le RCN s’est engagé dans un bras de fer avec le gouvernement britannique. Le syndicat réclame une hausse des salaires de 5 % de plus que l’inflation. Des primes ont été accordées depuis 2010, mais elles ne permettent pas de compenser la hausse du coût de la vie : des économistes estiment même que le pouvoir d’achat des infirmières a baissé de 20 %.
« Notre proposition d’ouvrir des négociations officielles a été rejetée. Les infirmières en ont assez d’être considérées comme acquises, assez d’être mal payées et d’être en sous-effectif, assez de ne pas pouvoir donner aux patients la qualité de soins qu’ils méritent, a déclaré Pat Cullen, la secrétaire générale du syndicat. Le gouvernement a eu plus de deux semaines pour réagir depuis que nos adhérents ont confirmé qu’ils envisageaient de faire grève pour la première fois, en réaction aux injustices subies. »
25 000 départs en 2021Les autorités écossaises ont d’ailleurs accepté d’ouvrir des négociations salariales, et l’Écosse ne sera pas visée par ce mouvement de grève, qui concernera donc l’Angleterre, le Pays de Galles et l’Irlande du Nord. Rishi Sunak, le premier ministre britannique, estime dans une interview vidéo postée sur le site du Guardian que la demande des infirmières est « clairement inabordable ».
Pour le RCN, l’argument ne tient pas, eu égard au « milliards de livres sterling dépensés auprès d’agences d’intérim pour combler le manque de personnel ».
L’an dernier, près de 25 000 infirmières et sages-femmes ont quitté le service public, et ce sont désormais 47 000 postes d’infirmières qui ne sont pas pourvus, rien qu’en Angleterre. « Les salaires insuffisants participent au manque de personnels dans tout le Royaume-Uni et ont des conséquences pour la sécurité et la santé des patients », ajoute le syndicat. D’autres professions du soin pourraient rejoindre ce mouvement de grogne sans précédent : les internes, les professions paramédicales, les sages-femmes, les ambulanciers, les kinésithérapeutes et les préparateurs en pharmacie, notamment, sont appelés à se prononcer sur une prochaine grève.
Lisette Gries
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• Renaud A., « L’Angleterre souffre (elle aussi) d’une pénurie infirmière inédite », sur Espaceinfirmier.fr, le 02/09/2022.
• Gries L., « Au Royaume-Uni, des postes d’infirmières ouverts à d’autres paramédicaux », sur Espaceinfirmier.fr, le 16/06/2021.
• Renaud, A., « France et États-Unis, même pénurie », L’Infirmièr.e n° 15-16, décembre 2021-janvier 2022.