L’hiver dernier, le taux de vaccination contre la grippe a encore chuté, en France comme en Europe. Le Groupe d’expertise et d’informations sur la grippe appelle les professionnels de santé à se remobiliser d’urgence.
La tendance se confirme : lors de cet hiver 2011-2012, pour la deuxième année consécutive, le taux de couverture vaccinale contre la grippe en France a baissé. Selon l’étude Kantar Health réalisée pour le Groupe d’expertise et d’information sur la grippe (GEIG)*, dévoilée mardi 12 juin, seules 62 % des personnes âgées de 65 ans et plus ont été vaccinées l’hiver dernier, contre 69 % l’année précédente et 71 % il y a deux ans. Bien loin de l’objectif fixé par l’OMS, à 75 %. Pour l’ensemble de la population adulte (15 ans et plus), le taux de couverture vaccinale atteint péniblement les 23,4 % - soit près de 12 millions de Français - contre 26 % il y a deux ans. Dans le Sud de la France, la proportion est encore plus faible : 20 % dans le quart sud-ouest et 21 % dans le quart sud-est. Chez les personnes à risque (souffrant de brancho-pneumopathie chronique obstructive, d’affection longue durée ou d’asthme, notamment), à peine une sur deux s’est fait vacciner (49 %), contre 64 % en 2009-2010. Quant à la vaccination pédiatrique, « historiquement basse, elle a encore diminué », constate le Professeur Bruno Lina, président du conseil scientifique du GEIG : seuls 11 % des moins de 15 ans à risque ont été vaccinés, contre 21 % il y a deux ans. Autre constat : « La vaccination cocooning ne marche plus », relève le virologue. Seuls 3 % des parents de bébé se sont protégés contre la grippe, contre 15 % en 2009-2010.
Six millions de consultations
Arrivée avec retard cette année – le pic épidémique n’a été atteint que fin février -, l’épidémie a frappé plus durement les enfants, comme c’est habituellement le cas, et les 65 ans et plus, davantage touchés que les années précédentes. Au total, mi-avril, alors que l’épidémie touchait à sa fin, selon l’estimation du réseau des Groupes régionaux d’observation de la grippe (Grog), plus de six millions de personnes avaient consulté pour une grippe. « On a eu un taux de mortalité induite qu’on n’avait pas vu lors des hivers précédents », constate Bruno Lina.
Pourtant, depuis la saison 2009-2010, une baisse régulière du taux de vaccination est constatée. « Elle est observée dans tous les pays européens », relève le spécialiste. En cause : l’effet pandémie, qui continue à jouer, mais aussi la crainte des effets secondaires, réels ou supposés, et une certaine « perte de risque » du fait d’un virus H1N1 qui a finalement peu touché les personnes âgées et à risque au cours des deux hivers derniers. De plus, le vaccin 2011-2012 étant le même que celui de l’année précédente, un nombre important de personnes, se pensant immunisées, n’ont pas souhaité être vaccinées de nouveau. Mais, insiste Bruno Lina, « il est nécessaire de restimuler l’immunité, notamment chez les personnes à risque ».
Un quart des professionnels de santé vaccinés
Autre signe de démobilisation : seuls un quart des professionnels de santé ont déclaré s’être fait vacciner. D’après les chiffres avancés par Bruno Lina, environ 60 % des médecins généralistes, 40 % des hospitaliers et seulement 11 à 12 % des infirmières ont montré l’exemple. Chez les infirmières libérales, la couverture vaccinale serait réduite à 3 %. Les conseils des soignants, en contact fréquent avec les malades, sont pourtant prisés. Si la gratuité, via le bon de prise en charge envoyé par la Sécurité sociale aux personnes à risque et aux plus de 65 ans, figure au premier rang des incitations à la vaccination (63 % des sondés), 46 % des personnes vaccinées interrogées ont suivi les conseils d’un professionnel de santé et 42% se sont fait vacciner par une infirmière.
Comment remédier à ce faible taux de vaccination chez les professionnels de santé ? « Certains pays, comme l’Allemagne ou les Etats-Unis, contraignent les personnes non-vaccinées à porter un masque au contact des patients », avance Bruno Lina, peu convaincu par une éventuelle obligation de vaccination. Pour Anne Mosnier, coordinatrice nationale du réseau des Grog, il faudrait agir sur la formation dispensée aux professionnels sur le sujet.
Pour la saison 2012-2013, les experts ont recommandé les trois souches suivantes : H1N1 (inchangée), H3N2 (nouveau) et B/Wisconsin/1/2010 (nouveau).
Aveline Marques
*Etude menée en mars et avril auprès de 4 717 personnes représentatives de la population française âgée de 15 ans et plus.