A l’issue de la deuxième réunion, lundi, du comité d’urgence de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), la directrice générale de l’OMS, Margaret Chan a décidé de relever le niveau d’alerte à la pandémie de grippe porcine de la phase 3 à 4 sur une échelle de 6.
La souche A/H1N1 du virus de la grippe porcine très probablement à l’origine de 159 décès au Mexique a d’ores et déjà franchi les frontières avec 65 cas confirmés aux Etats-Unis, mais également deux en Ecosse, deux en Espagne, un en Allemagne et des cas suspects en cours d’investigation dans de très nombreux pays du globe dont la France. Rappelons que pour l’heure, seul le Mexique déplore des décès.
La décision de l’OMS de relever le niveau d’alerte à la pandémie signifie que la probabilité d’une pandémie a augmenté, mais pas qu’elle est inévitable précise l’OMS sur son site Internet. Selon l’évolution de la situation, l’OMS pourra soit rétablir la phase 3, soit passer à un niveau d’alerte supérieur.
Centre interministériel de crise
Quoi qu’il en soit, « vu l’extension considérable du virus », Margaret Chan a estimé qu’il n’était « pas réaliste de chercher à endiguer la flambée », mais qu’il convenait plutôt pour l’instant de « privilégier les mesures d’atténuation ».
En France, le passage en phase 4 de l’alerte pandémique « nous conduit à mettre en place des mesures de rehaussement de la vigilance », a déclaré mardi le directeur général de la santé Didier Houssin, en marge d’un colloque sur la vaccination en Île-de-France. Parmi les mesures, il a cité « la mise en place d’un centre interministériel de crise ».
Le ministère de la Santé a instauré en son sein un rendez-vous de presse quotidien à 15h pour faire le point sur l’évolution de la situation.
37.000 Français au Mexique
Dans la nuit de samedi à dimanche, a indiqué M. Houssin, « le niveau de stockage de l’ambassade de France au Mexique » en doses de Tamiflu et en masques a été « rehaussé jusqu’à couvrir 100% des ressortissants français au Mexique, soit environ 37.000 personnnes ».
Du fait de l’évolution de la situation, le gouvernement français déconseille depuis hier fortement aux voyageurs de se rendre au Mexique, sauf raisons impératives.
La directrice générale de l’OMS, elle, a recommandé de ne pas fermer les frontières et de ne pas apporter de restrictions aux voyages internationaux, mais a estimé « judicieux pour les personnes malades de remettre à plus tard les déplacements à l’étranger et pour les personnes présentant des symptômes à la suite d’un voyage international de rechercher des soins médicaux ».
Plan pandémie grippale
Visiblement inquiet, le directeur général de la santé en France, a appelé mardi « tous les responsables sanitaires, les sociétés savantes » et autres professionnels de santé à se plonger dès à présent dans le Plan pandémie grippale, élaboré il est vrai davantage en prévision d’une pandémie de grippe aviaire que de grippe porcine, mais qui reste largement valable dans le cas qui nous occupe, a fait valoir Didier Houssin. « J’invite tous les professionnels à se l’approprier », a-t-il insisté.
Davantage à l’usage du grand public, il a également renvoyé au Guide pratique pour la vie quotidienne en pandémie, invitant les professionnels de santé à en faire la promotion auprès des patients, « pour mieux mesurer ce qui pourrait nous attendre et ce que nous pourrions avoir à faire », a-t-il ajouté sur un ton solennel, inquiétant malgré lui.
Pas de vaccin avant quatre mois
Pour l’heure, il n’existe pas de vaccin contre la souche mexicaine de grippe porcine et « il n’y a pas lieu de penser que le vaccin contre la grippe saisonnière protègerait contre la grippe porcine H1N1 », a indiqué le Dr Odile Launay, du Centre d’investigation clinique (CIC) de vaccinologie Cochin Pasteur de l’hôpital Cochin (AP-HP).
En attendant qu’un vaccin puisse être mis au point, ce qui, de l’avis des experts, prendra au moins quatre mois, l’OMS a recommandé lundi l'utilisation de Tamiflu, un médicament à base d'oseltamivir, utilisé contre la grippe aviaire et considéré comme efficace contre ce nouveau virus venu du Mexique. "La vaccination constitue la deuxième étape", a souligné un porte-parole de l'OMS, Thomas Abraham.
Le travail de développement d’un vaccin contre la grippe porcine a déjà commencé. La France, qui dispose de « 40 millions de doses » d’antiviral pandémique réservées « auprès de deux industriels », selon Didier Houssin, concède une certaine « perplexité » quant à l’opportunité d’une vaccination pandémique.
Plusieurs inconnues
Plusieurs questions restent en effet en suspens : les industriels seront-ils capables de mener de front la production de doses de vaccin pandémique en nombre et celle des vaccins « normaux » destinés à la campagne de vaccination 2009-2010 qui a déjà débuté ? La circulation de la souche A/H1N1 mexicaine conduira-t-elle les scientifiques à devoir modifier la composition du prochain vaccin saisonnier et dans quelle mesure est-ce possible ? Les quelques stocks français restant d’un vaccin efficace contre une souche H1N1 qui a circulé dans l’espèce humaine il y a quelque temps sont-ils capables de protéger contre la nouvelle souche mexicaine ? Quand bien même la réponse serait affirmative, ces stocks sont réduits et « on ne pourra pas vacciner tout le monde », a indiqué M. Houssin.
Deux « cas probables » en Île-de-France
Les derniers chiffres disponibles font état de 20 cas humains possibles en cours d’investigation en France. Parmi ces cas, un homme et une femme résidant en Île-de-France sont considérés comme « cas probables » d’infection par le virus A/H1N1 responsable de la grippe porcine mexicaine, a annoncé mardi soir l’Institut de veille sanitaire (InVS). La confirmation est attendue sous 72 heures. En attendant, l’entourage proche de ces personnes hospitalisées à l’AP-HP sans signe de gravité, recevra un traitement antiviral préventif et devra limiter ses déplacements.
La situation changeant d’heure en heure, chacun doit s’efforcer de se tenir régulièrement informé. Le site de l’OMS propose ainsi une foire aux questions. Sur un site consacré à la grippe aviaire, mais qui vaut également pour la grippe porcine, le gouvernement français rappelle les mesures-barrières propres à limiter la transmission du virus.
Enfin, les Groupes régionaux d’observation de la grippe (Grog) ont mis en ligne une conduite à tenir à destination des soignants et recommandent aux soignants vigies Grog, devant un patient présentant un syndrome grippal de :
-rechercher un séjour récent dans les zones à risqque et, si c’est le cas, ne pas faire de prélèvement, mais contacter le centre 15, conformément à la consigne de l’InVS
-mettre en œuvre et recommander les mesures barrières protectrices (lavage des mains notamment)
-continuer de signaler les cas inhabituels
-avoir toujours un ou deux kits de prélèvements en stock.
C. A.
Retrouvez L'infirmière magazine N°243 de novembre 2008 et son cahier de formation continue entièrement consacré à la grippe ainsi que L'infirmière libérale magazine N°241 d'octobre 2008.