Le ministère de la Santé a officiellement lancé mardi son plan national de lutte contre les hépatites virales B et C pour la période 2009-2012. Quelque 500.000 personnes adultes en France sont atteintes d’une hépatite B ou C (respectivement 280.000 et 221.000 en 2004) et ces deux virus sont à l’origine d’environ 4.000 décès par an, selon la Direction générale de la santé (DGS).
Le plan, qui va mobiliser quatre millions d’euros par an pendant quatre ans, vise donc à « réduire la morbidité et la mortalité liées aux hépatites chroniques virales B et c par la combinaison d’une meilleure prévention et d’un dépistage plus accessibles, tout en améliorant l’accès aux traitements efficaces et les prises en charge ». Il s’articule en cinq axes : prévention, dépistage, traitement, population carcérale et un cinquième axe plus prospectif mêlant surveillance, recherche et évaluation.
Hépatite B : restaurer la confiance en la vaccination
Pour l’hépatite B, la prévention passe immanquablement par la vaccination, possible depuis 1982. Pourtant très efficace, le vaccin contre l’hépatite B souffre en France d’un fort déficit de popularité à la suite de polémiques médiatisées sur un éventuel lien avec le développement postérieur de scléroses en plaques. Résultat, le taux de couverture vaccinale en France est très inférieur à celui de pays où la prévalence de l’hépatite B est comparable (0,6%). D’après un rapport du Conseil supérieur d’hygiène publique de France publié en septembre 2005, la couverture vaccinale contre l’hépatite B des enfants de deux ans en France n’est que de 29% contre 50% en Belgique, 81% en Allemagne, 90% au Canada et 92% aux Etats-Unis. C’est pourquoi l’un des principaux objectifs du plan consiste à relancer en France la vaccination contre l’hépatite B. Pour ce faire, les pouvoirs publics entendent mener une campagne de communication et d’information auprès des professionnels de santé et notamment des médecins afin de restaurer leur confiance dans les vertus de cette vaccination. « Ce ne sera pas facile, car la défiance s’est installée », a admis le Pr Didier Houssin, directeur général de la santé, lors de la conférence de presse de lancement du plan de lutte 2009-2012. Ce « climat de méfiance » a amené la DGS à privilégier une « stratégie » qui consiste à « essayer d’abord de regagner la confiance des professionnels de santé », tant « une campagne grand public paraîtrait décalée et pourrait même avoir un effet contre-productif », a expliqué M. Houssin. Or « la vaccination a une efficacité et un but qui, en termes de santé publique, ne sont pas contestables », a-t-il affirmé.
« Aujourd’hui, après de nombreuses études, aucune démonstration scientifique n’a pu être apportée en faveur d’un lien avec des maladies démyélinisantes », a renchéri le Pr Daniel Dhumeaux, président du comité stratégique du programme national hépatites virales.
Déplacer la prise en charge du secteur hospitalier vers le secteur libéral
Deuxième axe du plan : le dépistage. Face à des virus responsables d’infections chroniques inapparentes, le dépistage apparaît essentiel pour permettre une prise en charge la plus précoce possible. Le plan prévoit donc une série de mesures destinées à renforcer le dépistage et notamment la prise en charge à 100% du remboursement du dépistage sérologique de l’hépatite B contre 65% actuellement. Objectif : que le nombre de personnes porteuses de marqueurs sérologiques ayant connaissance de leur séropositivité passe de 57% à 80% pour l’hépatite C et de 45% à 65% pour l’hépatite B.
En ce qui concerne l’accès aux soins, « pour l’hépatite C, l’objectif global vise à mieux répartir, à l’horizon 2012, la prise en charge entre le secteur libéral et le secteur hospitalier, tout en optimisant le rôle du médecin traitant dans le parcours coordonné de soins ». Daniel Dhumeaux a ainsi évoqué « le handicap que représente la prise en charge essentiellement hospitalière des patients atteints d’hépatite (plus de 60%) » et souhaité que le secteur libéral puisse à terme « prendre en charge les malades plus tôt, laissant à l’hôpital les cas les plus complexes : cirrhoses, cancers, transplantations, etc. ».
Les auteurs du plan entendent aussi promouvoir les programmes d’éducation thérapeutique du patient. « Une réflexion est engagée sur la valorisation des actes » en la matière, peut-on lire.
Et les infirmières ?
Les réactions au contenu de ce plan ne se sont pas fait attendre. Danièle Desclerc-Dulac, présidente de l’association de patients SOS Hépatites, a regretté le peu de place fait à l’éducation thérapeutique du patient dans le plan. Notons que l’infirmière, comme actrice de la prise en charge des patients atteints d’hépatite n’est citée que deux fois dans ce plan de 87 pages.
L’association Médecins du monde quant à elle estime ce plan « inadapté face à l’urgence de l’épidémie d’hépatite C ». « Malgré l’efficacité reconnue de la démarche de Réduction des Risques - en particulier en matière de lutte contre l’épidémie du Sida -, malgré de nombreuses rencontres avec les intervenants, en première ligne les associations d’usagers de drogues et de patients, et malgré l'urgence, les propositions pragmatiques des acteurs de la Réduction des Risques n'ont pas été retenues par le ministère de la santé », regrette Médecins du monde dans un communiqué.
De même, trois associations oeuvrant dans le domaine du sida et de la toxicomanie, Aides, l'Association française pour la réduction des risques (AFR) et Asud (Auto-support des usagers de drogues) estiment dans un communiqué commun que le plan « ne répond pas à l'urgence de l'épidémie d'hépatite C ». Ne serait-ce qu’ « au niveau économique, le plan est dérisoire», jugent-elles. « A titre de comparaison, son montant, quatre millions d'euros par an, ne correspond même pas au prix de 700 traitements VHC (d'une durée de six mois). »
C. A.