L'hygiène des mains est l'un des thèmes de cette Semaine de la sécurité des patients. Observance des soignants, infections nosocomiales, moyens alloués dans les établissements... Le point avec le Pr Philippe Berthelot, président de la Société française d'hygiène hospitalière (SF2H).
Espaceinfirmier.com : A-t-on encore besoin de sensibiliser les professionnels de santé à l'importance d'une bonne hygiène des mains ?
Pr Philippe Berthelot : La question de l'hygiène des mains est de plus en plus abordée au cours de la formation initiale et de la formation continue. L'observance des soignants à l'hygiène des mains dépend des secteurs de soin : dans les services où le risque infectieux est plus élevé, avec beaucoup de gestes techniques et une charge de soins importante, comme la réanimation, les soignants sont très préoccupés par l'hygiène. Le problème, c'est qu'il y a peu d'études scientifiques évaluant l'observance minimale permettant de maîtriser la transmission croisée. Mais, le seuil est sans doute assez haut. À l'hôpital universitaire de Genève, une étude a montré que le nombre d'infections nosocomiales a diminué quand ils sont passés d'une observance de 50 à 70%, grâce à l'utilisation de solutions hydro-alcooliques. L'utilisation préférentielle des SHA est recommandée depuis fin 2001 mais elle reste insuffisante.
Cette seconde édition de la Semaine de la sécurité des patients met aussi l'accent sur l'hygiène des mains des professionnels de santé libéraux : cabinets médicaux, kiné, infirmière... Ce n'est pas toujours un réflexe.
Qu'en est-il du port des bijoux ?
Là encore, cela dépend du risque infectieux évalué par les soignants. En bloc opératoire ou en réanimation, il n'y a pas de bijoux. Là où le risque infectieux est plus faible, on progresse mais il est difficile de changer les habitudes. L'hygiène relève beaucoup du comportement. Il peut y avoir y avoir un effet d'entraînement ; je crois que les cadres de santé et les médecins ont un rôle important à jouer. Peut-être que les jeunes professionnels feront bouger les choses. Eux ne peuvent pas dire qu'ils n'ont pas reçu le message !
Dans un édito publié sur le site de la SF2H, vous évoquez le manque de moyens et de temps consacré à l'hygiène dans les établissements...
Avec la pénurie de médecins et surtout de paramédicaux, il est difficile de libérer le personnel pour les formations... L'un des effets pervers de la T2A est qu'il faut faire de l'activité pour augmenter les recettes. Cela peut laisser moins de temps pour l'hygiène. Quant aux équipes opérationnelles d'hygiène, certaines n'ont déjà pas les effectifs suffisants. On craint que leurs moyens ne diminuent encore, alors qu'elles ont de nouvelles tâches (tableaux de bord, participation à la gestion des risques). Le problème, c'est que tout ce qui est prévenu n'est pas vu.
Comment évolue le nombre d'infections nosocomiales en France ?
On attend les résultats de l'enquête de prévalence nationale faite cette année, avec un échantillonnage d'établissements pour participer à l'enquête européenne. Les précédentes enquêtes avaient montré une diminution des infections nosocomiales, notamment à SARM (Staphylococcus aureus résistant à la méticilline). Avec moins de moyens, une activité stable voire en augmentation, et des patients toujours plus fragiles, une période difficile s'annonce. L'émergence de bactéries hautement résistantes aux antibiotiques est problématique. L'épidémiologie française n'est pas trop mauvaise, mais la situation est inquiétante dans le monde et s'aggrave en Europe.
Propos recueillis par Aveline Marques
Quelques liens utiles:
- Page consacrée à la Semaine de la sécurité des patients sur le site du ministère de la Santé.
- Le site de la SF2H, avec notamment un diaporama "L'hygiène des mains sauve des vies".
- Le site dédié réalisé par l'AP-HP: interview, fiches mémo, quizz...
- Les recommandations de l'Organisation mondiale de la santé pour une bonne hygiène des mains au cours des soins.