« Il faut éviter à tout prix la visioconférence ! »

16/11/2011

« Il faut éviter à tout prix la visioconférence ! »

La loi du 5 Juillet 2011 réformant l’hospitalisation sans consentement des patients en psychiatrie instaure comme obligation légale une audience entre le patient et le juge des libertés et de la détention dans les 15 jours, puis dans les six mois suivant leur hospitalisation. Pour Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de liberté, l’application de cette loi ne peut se faire que sous certaines conditions. Il dénonce fermement l’utilisation de la visioconférence pour ces audiences.

L’Infirmière Magazine : La loi du 5 juillet 2011 portant sur l’hospitalisation des patients sans leur consentement en psychiatrie est-elle selon vous un progrès pour ces derniers ?
Jean-Marie Delarue : Il faut tout d’abord rappeler que l’hospitalisation sans consentement est une mesure destinée à soigner les patients. Cependant c’est aussi une mesure qui porte atteinte à la liberté individuelle puisqu’elle constitue une privation de liberté. Aujourd’hui, la personne qualifiée pour garantir cette liberté est le juge des libertés et de la détention (JLD) alors qu’avant la loi du 5 juillet dernier, la décision de l’hospitalisation sans consentement des patients revenait aux préfets et aux psychiatre exclusivement. L’intervention du JLD était facultative. Le fait qu’elle soit devenue obligatoire avec la loi du 5 juillet constitue un progrès indéniable en matière de respect des droits des patients et de liberté des personnes. C’est une prise de conscience positive.
 
L’Infirmière Magazine : Que pensez-vous des trois options prévues pour organiser ces audiences ?
J.M. Delarue : La loi a prévu trois options possibles à la mise en œuvre des audiences entre le patient et le JLD : une audience au tribunal, un déplacement du JLD à l’hôpital pour une audience publique, ou la visioconférence. Sur la première option, l’audience au tribunal, la question qui n’est pas réglée est celle du transport des patients au tribunal. On sait combien les sorties des malades sont compliquées à organiser en santé mentale, autant pour les patients eux-mêmes que pour les soignants mobilisés pour les accompagner. Les patients hospitalisés sans leur consentement ne comprennent généralement pas qu’on les emmène au tribunal devant un juge afin de protéger leurs droits… Ils sont fragiles voire instables psychologiquement, ce qui rend une extraction de l’hôpital suivie d’une audience au tribunal déstabilisante si ce n’est traumatisante. C’est pourquoi je pense que les JLD doivent se déplacer dans les hôpitaux psychiatriques. Les audiences doivent être tenues à l’hôpital, pas au tribunal ! C’est là la recommandation que j’ai faite aux différents ministères concernés. Et demain, 17 novembre, je compte recommander aux directeurs d’hôpitaux psychiatriques de construire des salles d’audience à cet effet, car il faut que les patients soient entendus dans les meilleures conditions possibles.
 
L'Infirmière Magazine : Et quelle est votre position sur une audience organisée par visioconférence ?
J.M. Delarue : Il faut éviter à tout prix la banalisation de l’utilisation de la visioconférence, et ne surtout pas céder à l’argument du moindre coût économique. Ce système n’est pas adapté, par exemple, à un patient ayant des tendances paranoïaques ou souffrant d’un autre complexe de persécution. La visioconférence constitue une déstabilisation multipliée par cent par rapport à une audience au tribunal, qui n’est déjà pas la meilleure option…Et puis il me semble indispensable qu’un juge soit en contact direct avec un malade lorsqu’il s’agit d’une décision aussi délicate qu’une sortie de l’hôpital ou une poursuite de son hospitalisation sans son consentement.
 
Propos recueillis par Carole Ivaldi

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