L’Espace de réflexion éthique (ERE) d’Occitanie a rendu public en fin d’année un « petit guide à l’usage des professionnels du soin » portant sur la collégialité dans les soins à domicile. L’objectif : partager des pistes de réflexion éthique quant au recours à la collégialité face à des prises en charge complexes à domicile. Le point avec Marie-Claude Daydé, infirmière libérale, chargée de mission au sein de cet ERE, qui a coordonné le guide.
Notre groupe de travail s’interroge sur les questions d’éthique pratique à domicile. Nous avons décidé d’approfondir ce thème en raison du contexte actuel : les besoins de santé croissent, et les professionnels de santé du domicile font état de situations complexes qu’ils rencontrent de plus en plus régulièrement, et qui parfois continuent à se complexifier au cours de la prise en charge. Ils ne peuvent donc pas trouver seuls des solutions optimales. Ils ont besoin de réfléchir collectivement.
Que proposez-vous avec ce « petit » guide ?Avant tout des pistes de réflexion éthique. Mais nous commençons déjà par donner notre définition de la collégialité, car d’après notre recherche bibliographique, ce terme est polysémique. Selon l’ERE, la collégialité est une pratique réflexive qui, dans une situation complexe de soins et d’accompagnement, permet aux professionnels de partager leurs questionnements sur les orientations possibles et de guider le choix préférable. Elle nécessite une rencontre de ces professionnels (unité de temps et unité de lieu) pour élargir leur propre point de vue et penser ensemble la réponse la plus appropriée. Elle guide leurs actions en prenant en compte les souhaits de la personne soignée et de son environnement, et permet la prise de décision la plus pertinente par le professionnel concerné. Ce guide interroge aussi les questions de confidentialité, de responsabilité, de cohérence globale des projets de soins.
Face à une situation complexe, quel doit donc être le premier réflexe du professionnel de santé ?Idéalement, il est important de chercher à rencontrer les autres professionnels prenant en charge le patient, pour parler ensemble de la situation. Trouver une unité de temps et de lieu reste compliqué en ville. Mais il est toujours possible de s’organiser. L’envie de collaborer et d’apprendre à se connaître est un facteur majeur décrit par les professionnels que nous avons interrogés. Pour que ces temps se déroulent dans une démarche éthique et que la collégialité soit affirmée, chacun doit pouvoir être écouté et disposer d’un temps de parole pour exprimer sa vision. C’est tout l’intérêt de ces échanges. Le regard des autres professionnels sur la situation peut nous faire changer d’avis ou penser autrement les choses.
Sur le terrain, les acteurs de santé se saisissent de cette opportunité, mais sans traçabilité car il n’y a aucune reconnaissance de ces temps réflexifs dans le cadre d’un exercice « isolé » en ville, ne serait-ce financièrement. Au sein des Maisons de santé pluriprofessionnelles (MSP), c’est différent, ces réflexions collégiales sont dédommagées dans le cadre de l’Accord conventionnel interprofessionnel (ACI).
On peut toutefois espérer que la voie s’ouvre avec la publication de l’Instruction Interministérielle du 21 juin 2023 pour l’organisation des complémentarités et des articulations en soins palliatifs, qui souligne la nécessité de « soutenir les professionnels et les intervenants en étant attentif au respect de temps de réflexion pluridisciplinaire et collégiale…via un format adapté à leur exercice libéral ».
Les professionnels de santé sont donc ouverts à cette recherche de collégialité… ?Déjà, dans les formations, les temps réflexifs sont aujourd’hui davantage mis en avant. Ils font partie des objectifs pédagogiques. Et sur le terrain, je trouve que les professionnels sont de plus en plus sensibles aux situations complexes qu’ils rencontrent et sont conscients des difficultés à gérer seuls les problématiques identifiées.
La crise covid a joué un rôle dans cette évolution, tout comme l’émergence des Communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), qui permettent aux acteurs de se rencontrer, de se connaître, de discuter de certaines situations au bénéfice du patient. Il souffle un vent favorable à la collégialité.
Pour accéder au guide :
https://www.ere-occitanie.org/wp-content/uploads/2023/12/La-collegialite-dans-les-soins.2023.pdf