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Le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) a réclamé, devant le Conseil d’État, la suspension des dispositions permettant la délégation aux infirmiers en santé au travail des visites de reprise et de préreprise des salariés. Cette demande, rejetée le 18 juillet, surprend le Groupement des infirmiers de santé au travail (GIT).
Le juge des référés du Conseil d’État a rejeté le 18 juillet, pour défaut d’urgence, la suspension du décret détaillant les prérogatives renforcées des infirmiers de santé au travail, demandée par le Conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom). Publié le 27 avril, ce décret d’application de la loi du 2 août 2021 destinée à renforcer la prévention en santé au travail, encadre les modalités de mise en œuvre des pratiques de télésanté au travail et détaille les prérogatives renforcées des infirmiers du secteur. Le Cnom a réclamé la suspension des dispositions permettant la délégation aux infirmiers en santé au travail des visites de reprise et de préreprise des salariés en invoquant « des risques graves pour la santé des travailleurs », un « risque de dégradation du système de prévention assuré par la médecine du travail » et en arguant que les dispositions plaçaient les médecins du travail « dans une situation particulièrement dangereuse en ce qu’ils doivent déléguer des tâches à des infirmiers dont la formation n’est pas définie ». L’Ordre a en effet pointé du doigt que le texte est entré en vigueur avant la publication d’un décret définissant la formation spécifique des infirmiers en santé au travail s’agissant des visites de reprise et de préreprise.
Les infirmiers en danger« J’ai de nombreux questionnements concernant cette demande du Cnom, reconnaît Nadine Rauch, présidente du GIT. Pourquoi sa demande émane-t-elle maintenant ? Les médecins soutiennent que le décret les met en danger, alors que ce sont les infirmiers en santé au travail, qui le sont. C’est ce que nous dénonçons depuis longtemps avec ce décret et les médecins ne nous ont jamais soutenus. »
Avec la publication de ce décret, le GIT soutient que les infirmiers en santé au travail sont amenés à exercer « sans filet de sécurité », car « on nous demande de réaliser les missions du médecin sans pour autant bénéficier de formation », pointe du doigt Nadine Rauch. Et d’ajouter : « Malgré la délégation de tâche, d’après des juristes que nous avons consultés, nous n’avons aucune garantie que notre responsabilité ne soit pas engagée en cas de problème. De leur côté, les médecins du travail disposent du statut de salariés protégés, qu’on nous a refusé ». Face à cette situation, la présidente du GIT conseille aux infirmiers qui ne se sentent pas en capacité d’effectuer ces visites, de réorienter la personne. « Idéalement, nous voudrions l’annulation du décret, tant que ceux sur la formation des infirmiers ne sont pas publiés », rapporte Nadine Rauch.
La responsabilité des médecinsPour le juge des référés du Conseil d’État, il n’y a pas lieu de suspendre le décret car il précise la nature des tâches pouvant être déléguées par les médecins du travail aux infirmiers en santé au travail dans le cadre prévu par la loi, ainsi que les conditions de cette délégation. De plus, les médecins du travail ne sont pas contraints de recourir à cette délégation, dont le principe, l’étendue et le contrôle sont placés sous leur responsabilité. Pour le juge des référés, il revient aussi « à chaque médecin du travail d’apprécier au cas par cas, notamment pendant cette période transitoire, la mesure dans laquelle la formation et l’expérience d’un infirmier en santé au travail sont compatibles avec la délégation de certaines des tâches visées par le décret attaqué ». Pour l’heure, le texte poursuit son application.
Laure Martin
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