iStock
L’Union nationale des Infirmiers en Pratique Avancée (Unipa) a rendu public début avril, son recensement des IPA diplômés et en formation. L’occasion de dénoncer le manque de moyens mis en œuvre par les pouvoirs publics pour pérenniser la profession.
Les comptes ne sont pas bons. L’objectif affiché dans le cadre du Plan Ma Santé 2022 était de former 5000 infirmières en pratique avancée (IPA) d’ici la fin de la mandature. « Aujourd’hui, nous sommes 935 IPA formés, et 1425 sont en cours de formation, soit 2360 IPA, pointe du doigt Tatiana Henriot, présidente de l’Unipa. L’objectif est donc loin d’être atteint car nous ne sommes même pas à la moitié de l’objectif. » Pourtant, du côté des universités, des efforts ont été réalisés car à l’origine, elles n’étaient que deux à proposer la formation, avant de passer à une douzaine pour la rentrée 2020/2021 puis à 27 universités à la rentrée 2021/2022.
Des freins à l’exercice du métier« Je ne veux pas m’avancer, mais je pense que si les objectifs ne sont pas atteints, ce n’est pas parce que les infirmiers affichent un désintérêt vis-à-vis de la formation, au contraire, ils sont nombreux à vouloir la suivre, explique Tatiana Henriot. En revanche, le modèle économique existant n’est pas valorisant et le métier n’est pas rémunéré à sa juste valeur, que ce soit en secteur hospitalier ou en libéral. » Elle reconnaît toutefois que les problématiques conjoncturelles liées à la crise sanitaire peuvent justifier le ralentissement des départs en formation des infirmiers hospitaliers notamment. « Néanmoins, si les territoires et les universités ont joué le jeu en proposant une offre de formation de proximité, la lenteur des pouvoirs publics à prendre des mesures pour l’attractivité du métier, a des conséquences directes sur la formation », ajoute Tatiana Henriot.
Une augmentation de salairePour répondre à la problématique, l’Unipa plaide pour un modèle économique attractif afin de permettre le déploiement de la profession sur le territoire. Certes, la nouvelle prime spéciale pour les IPA de la fonction publique hospitalière, d’un montant de 150 euros, est versée depuis le 1er avril 2022. « Il s’agit d’une première avancée dans l’amélioration des régimes indemnitaires mais cette prime n’entre pas dans le calcul des retraites et ne compense pas l’insuffisance des grilles indiciaires des IPA », dénonce Tatiana Henriot. Par ailleurs, malgré « les promesses du ministre de la Santé », les IPA salariés de la FPH ne bénéficient toujours pas de la Nouvelle bonification indiciaire (NBI).
Aujourd’hui, l’Unipa plaide pour une rémunération des IPA à leur juste valeur et revendique une rémunération supérieure de 30 à 40 % à celle d’un infirmier en soins généraux, afin de valoriser la formation et les responsabilités nouvelles des IPA.
Le syndicat regrette par ailleurs que les grilles indiciaires de la fonction publique territoriale ne soient toujours pas parues, les IPA sont donc rémunérés sur la grille des infirmiers en soins généraux. De même, l’activité des IPA dans les établissements privés tarde à être correctement valorisée car des textes réglementaires doivent évoluer pour reconnaitre ce nouveau rôle.
En attente d’un modèle économique viable en libéralCôté libéral, les négociations conventionnelles ont débuté le 8 février 2022 et doivent se poursuivre en avril. Les syndicats représentatifs des infirmiers libéraux – ce qui exclut l’Unipa –, et l’Assurance maladie, discutent du contenu de l’avenant, de manière à permettre la valorisation de l’activité libérale des IPA pour un déploiement en soins primaires effectifs. « Le modèle actuel n’est pas viable », rappelle la présidente de l’Unipa, regrettant que le syndicat ne soit pas convié comme « expert » à la table des négociations.
Pour un accès direct enfin actéLe syndicat souhaiterait par ailleurs que soit enfin acté l’accès direct des IPA, prévu dans la mesure 6 du Ségur de la Santé, où il est présenté comme une solution pour répondre aux grands enjeux de santé publique auxquels le système est confronté. « Nous aimerions un cadre législatif cohérent, permettant aussi la primo-prescription, qui, avec l’accès direct, contribuerait à réduire les inégalités sociales de santé, favoriserait l’éducation à la santé et permettrait de développer la prévention et la promotion de la santé », conclut Tatiana Henriot.
Laure Martin
À LIRE ÉGALEMENT
- Renaud A., « Les IPA libérales suspendues au fil de nouvelles négos conventionnelles », Espaceinfirmier.fr, le 25/02/2022.
- Martin L., « La pratique avancée doit être préservée pour la lisibilité du modèle », Espaceinfirmier.fr, le 10/01/2022.
- Martin L., « Des évolutions nécessaires pour viabiliser et clarifier la pratique avancée », L’Infirmièr.e n° 17, février 2022.
- Laborde T., « De quoi l’IPA est-elle le nom ? », Espaceinfirmier.fr, le 18/11/2021.
- Martin L., « Les IPA reçues par le ministre de la Santé », Espaceinfirmier.fr, le 21/04/2021.
- Martin L., « IPA : la primoprescription ouverte à titre expérimental », Espaceinfirmier.fr le 27/10/2021.