Le médecin et député PS dénonce le «bric-à-brac» de la loi HPST et s’inquiète de la refonte en cours des hôpitaux de Paris.
Invité des dernières Asclépiades (1), jeudi dernier à Paris, Jean-Marie Le Guen a passé en revue l’actualité de la santé et de la protection sociale. Si le député socialiste affirme être en accord avec les principes généraux de la loi «Hôpital, patients, sante et territoires» (2), il critique « sa mise en place laborieuse, due à son côté fourre-tout, avec souvent des principes étatiques et bureaucratiques ».
Également président du conseil d’administration de l’AP-HP, il dénonce « une grave faute de pensée sur la problématique hospitalière ». Car si la territorialisation lui semble aller de soi, le fait de «taper» sur l’hôpital qui avait pourtant fourni déjà beaucoup d’efforts avec la mise en place de la tarification à l’activité et des pôles est le signe, pour lui, d'un «énorme échec».
Refonder la médecine ambulatoire
De même, si les agences régionales de santé (ARS) sont une bonne chose à ses yeux, il est incompréhensible «qu’on n’ait pas tendu la main aux régions pour qu’elles aident ces ARS à gagner en légitimité politique. C’est une erreur politique considérable.»
Selon l’élu PS, la situation de la désertification médicale va empirer, et ce n’est pas les incitations à l’installation proposées actuellement qui vont changer les choses. Pour lui, la vraie question est : comment convaincre le corps médical de se mobiliser face à la crise de sa démographie? «Il faut réfléchir avec les professionnels à la refondation de la médecine ambulatoire, et à l’intérieur de cette médecine ambulatoire à une refondation du contrat de la médecine libérale.»
L’AP-HP, une institution comme une autre ?
Autre question brûlante: qui va être le futur patron de l’AP-HP, lorsque les agences régionales de santé entreront en vigueur? Le directeur de l’ARS? Jean-Marie Le Guen prédit avec ironie le nom du futur patron, qui s’impose de plus en plus depuis quelques mois: «C’est un jeune PU-PH, qui s’appelle Nicolas Sarkozy.»
Enfin, plus sérieusement, il est parfaitement légitime, plaide-t-il, d’interroger l’AP dans son inscription dans les territoires de l’Ile-de-France, dans le sens de la planification territoriale.
Par contre, ce que le député déplore, « c’est la manière avec laquelle les choses ont été faites, c’est-à-dire une volonté permanente, notamment du ministère de la Santé, de banaliser l’AP-HP ». « Si les efforts de réorganisation actuels sont faits pour en faire une institution moyenne et dissoute sur le territoire, c’est une erreur, s’insurge-t-il. On essaye de faire rentrer l’AP-HP dans une moyenne, or l’AP est tout sauf moyenne ! Nous produisons 50 % de la recherche médicale française d’un côté, ce qui n’est pas la moyenne. Et puis nous prenons en charge des patients qui sont soit riches, soit pauvres (notamment en Seine-Saint-Denis, dans le Val-de-Marne ou le Val-d’Oise). Les coûts hospitaliers liés à la précarisation de cette population sont lourds et connus de tous. Nous ne sommes pas dans la douce France ! En Ile-de-France coexistent des poches de richesse et de grande pauvreté. »
D’ailleurs la crise de l’AP n’en finit pas, déplore-t-il: «Les problèmes ne sont résolus ni au sein de l’AP, ni au sein de l’ARS, alors qu’ils ont directement pris en charge par le président de la République. Casser de l’emploi sans se préoccuper des problématiques de médecine ou de recherche, c’est une erreur.»
Le droit d’option pour la catégorie A? «Pas choquant»
Revenant sur le souhait de Nicolas Sarkozy de créer cinq grands instituts hospitalo-universitaire (IHU), le député trouve l’idée intéressante, bien que compliquée à mettre en œuvre : « Je n’imagine pas qu’on fasse de l’aménagement du territoire avec les IHU. » Il signale le risque de créer «une strate supplémentaire», en plus des CHU. Pour éviter cela, «il faudrait redéfinir les IHU et éventuellement regrouper certains CHU du territoires français.»
Enfin, concernant le dossier épineux du recul éventuel de l’âge de la retraite, «il faut faire des contreparties sociales, portant par exemple sur le travail des seniors et la pénibilité du travail», plaide-t-il. La vraie question, pour le député socialiste, est: comment adapter le système de retraite au vieillissement de la société?
Le droit d’option proposé aux infirmières, consistant à repousser l’âge de leur retraite de 55 à 60 ans en échange du passage à la catégorie A, ne le choque pas. Par contre, c’est la politique des carrières professionnelles qu’il faut creuser, estime Jean-Marie Le Guen, qui s’interroge: «Comment va-t-on former les infirmières cliniciennes?»
Carole Ivaldi
(Photo: C. I.)
1- Rencontres organisées par le magazine Décision Santé et le laboratoire Janssen-Cilag.
2- Loi HPST, du 21 juillet 2009. Les décrets d’application sont en cours de parution.