Roselyne Bachelot a confirmé jeudi que l’interdiction totale de la vente d’alcool aux mineurs figurerait dans le projet de loi « Patients, santé, territoires », qui passera devant le Parlement à l’automne. D’ici là, une campagne estivale de prévention et d’information à destination des 15-24 ans qui débutera demain, doit montrer les dangers sanitaires et sociaux induits par les comportements d’alcoolisation massive ou « binge drinking ».
Parmi les mesures phares détaillées par la ministre de la Santé, l’interdiction totale de la vente d’alcool aux moins de 18 ans suscite le scepticisme quant aux modalités d’application d’une telle disposition.
« Nul ne peut ignorer la loi », a déclaré Mme Bachelot lors d’une conférence de presse, rappelant qu’en cas de vente d’alcool à un mineur, l’infraction sera « commise par le magasin et non par le mineur ». A titre d’indication, le ministère envisage d’instaurer des peines d’un an d’emprisonnement et 15.000 euros d’amende pour les contrevenants.
Pour illustrer sa confiance dans le respect de la future loi par les débits d’alcool, Roselyne Bachelot a cité le précédent des mesures anti-tabac : « cela marche ! », a-t-elle assuré, en appelant à l’ « esprit de responsabilité, collective aussi bien qu’individuelle ».
Pour la ministre, l’interdiction totale aura le mérite de clarifier une situation aujourd’hui confuse où l’autorisation de vendre de l’alcool aux mineurs varie selon le type d’alcool et le lieu de vente.
Autre interdiction prévue dans le projet de loi, la vente d’alcool au forfait et l’offre d’alcool à volonté, plus connue sous le terme anglo-saxon « open bar ». En revanche, l’interdiction des « happy hours », ces offres promotionnelles sur les consommations alcoolisées que proposent certains bars à certaines heures de la soirée, n’a pas été retenue par la ministre comme étant suffisamment utile.
En complément du volet répression de son train de mesures, la ministre a insisté sur la nécessité et l’importance de la prévention.
Dans cet esprit, elle a annoncé le lancement demain, d’une campagne multi-supports élaborée par l’Institut national de prévention et d’éducation pour la santé (INPES). Un spot de 40 secondes sera diffusé du 18 juillet au 9 août sur TF1 et M6, deux chaînes prisées des 15-24 ans, et sur des chaînes du câble et du satellite. Ce spot sera également diffusé au cinéma, mais seulement pendant quatre jours, du 30 juillet au 2 août.
Trois spots radios étiquetés respectivement « malaise », « sexe » et « violence », pourront être entendus en métropole et dans les départements d’Outre-mer du 21 juillet au 24 août et de 18h à minuit et aux heures de sortie de boîte.
Des affiches seront placardées dans les toilettes des bars et discothèques et une brochure d’information sur les conséquences de l’alcool sur le corps sera diffusée. L’auteur de bande-dessinée Riad Sattouf en a assuré l’illustration.
Enfin, un site Internet, www.boiretrop.fr, sera activé pendant toute la durée de la campagne.
Soignants et associations saluent dans l’ensemble les mesures annoncées et reconnaissent la nécessité de réduire l’offre d’alcool pour lutter contre les phénomènes d’alcoolisation massive chez les jeunes. Certains pointent cependant quelques contradictions. Ainsi le Pr Michel Reynaud, chef du service de psychiatrie et d'addictologie de l'Hôpital Paul-Brousse à Villejuif et président de la Fédération française d’addictologie (FFA) s’inquiète-t-il du devenir des mesures annoncées jeudi par Roselyne Bachelot dans un contexte de lobbying alcoolier très actif. La semaine dernière encore, souligne-t-il, le sénat a rejeté un amendement déposé par le sénateur UMP Gérard César, visant à autoriser la publicité pour l’alcool sur Internet, un média que l’on sait très fréquenté par les jeunes générations. Pour la FFA, l’adoption d’un tel amendement équivaudrait à « un démantèlement complet de la loi Evin ». Or, observe Michel Reynaud, l’affaire n’est pas terminée puisqu’un groupe de travail interministériel mis en place en juin est chargé de « rechercher une solution équilibrée à la publicité pour l’alcool sur Internet dans le cadre de la loi Evin ». Le président de la FFA estime au contraire que ce groupe est fortement déséquilibré en faveur des alcooliers. Tant qu’on aura les viticulteurs dans la rue, les parlementaires auront du mal à aller contre les intérêts de Heineken et Ricard », observe-t-il.
C. A.