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Le rapport final « Décarbonons le secteur de l’autonomie » a été remis le 4 avril lors d’une conférence. Les premiers résultats montrent que ce secteur émet aujourd’hui autour de 10 millions de tonnes d’équivalent CO2 par an soit environ 1,5 % des émissions nationales de gaz à effet de serre. Mais des solutions existent.
Après avoir analysé l’impact du système de santé sur le changement climatique en 2021, les équipes du think tank The Shift Project (1), en partenariat avec la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) et l’École des dirigeants de la protection sociale (EN3S), ont mené un travail de recherche collaboratif sur le secteur de l’autonomie avec la contribution de la Chaire RESPECT (RÉsilience en Santé, Prévention, Environnement, Climat et Transition) de l’EHESP (École des hautes études en santé publique). Selon le rapport (2) du Shift Project, le secteur autonomie (établissements de personnes âgées, d’accueil des jeunes et adultes en situation de handicap…) produit aujourd’hui autour de 10 millions de tonnes équivalent CO2 par an, soit environ 1,5 % des émissions nationales de gaz à effet de serre. Par comparaison, l’empreinte carbone de l’Autonomie est équivalente aux émissions annuelles d’un million de Français. Avec le vieillissement de la population et la hausse des prises en charges, si rien n’est fait, ces émissions pourraient augmenter de plus de 40 % d’ici 2050. Les équipes qui ont planché sur le secteur de l’autonomie ont pu cartographier les principales sources de gaz à effets de serre. Il s’agit principalement des déplacements (services à domicile, déplacements domicile-travail, personnes accompagnées et visiteurs) à hauteur de 27 %, de l’alimentation dans les espaces de restauration collective (soit 1,1 milliard de repas consommés par an), pour 24 %, de la consommation d’énergie des bâtiments, pour 22 %, des soins (médicaments, dispositifs médicaux et hospitalisation) pour 7 %.
Des pistes pour agirLe rapport identifie et quantifie un ensemble de leviers à activer pour baisser les émissions de gaz à effet de serre du secteur afin qu’il s’aligne avec l’objectif européen de 34 % de baisse des émissions annuelles en 2030 par rapport à 2022 et à l'objectif de l’Accord de Paris de baisse de 80 % des émissions annuelles en 2050. Rénover thermiquement les bâtiments, remplacer les systèmes de chauffage au fioul et au gaz par des chauffages bas carbone (réseaux de chaleur, électricité, biomasse, pompes à chaleur), équiper les services à domicile en véhicules électriques légers, favoriser les protéines d’origine végétale dans l’alimentation des personnes accompagnées ou favoriser un approvisionnement alimentaire bas carbone (denrées locales et de saison), favoriser les achats moins carbonés de dispositifs médicaux et de produits pour l’incontinence… Pour rendre plus accessible les leviers d’actions aux établissements, des fiches thématiques (3) ont été réalisées. Elles portent sur les déplacements domicile/travail, les déplacements des services à domicile, l’énergie, l’alimentation, les consommations des produits de santé. Sur ce dernier item, le potentiel de réduction identifié est de moins 83 %. Cela passerait notamment par une systématisation du recours à des outils d’aides à la prescription, au développement des thérapies non-médicamenteuses, à la nécessité de privilégier les soins sur les lieux de vie en évitant l’hospitalisation pour prévenir la dépendance iatrogène, à renforcer les formations du personnel à la prescription gériatrique, aux bons usages des dispositifs médicaux, à développer les filières de reconditionnement des dispositifs médicaux…
Déterminer le coût et le financement des leviers d’actionLes actions à mener nécessitent des prérequis qui ont eux aussi été listés, à savoir la nécessité de planifier la décarbonation, le financement de la transition du secteur, la formation des professionnels du secteur aux enjeux du changement climatique, la sensibilisation des usagers… « Depuis mars 2023, nous avons engagé et concrétisé la planification écologique de la branche autonomie, et au bout d’un an de travail, nous sommes satisfaits du résultat, précise Vanessa Wisnia-Weill, directrice du financement de l’offre à la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA). D’ici l’été, nous allons établir le coût des leviers identifiés afin de bien comprendre comment financer la transition écologique. Ensuite, il faudra répartir ce financement entre l’Etat et nous. Puis nous établirons une modélisation et une déclinaison de la feuille de route au niveau territorial. Cette planification écologique était nécessaire car on ne peut atteindre la décarbonation du secteur autonomie simplement au niveau des établissements, même mobilisés. »
Isabel Soubelet