Le 11 mai, l’hôpital Avicenne à Bobigny (Seine-Saint-Denis) a organisé sa première journée d’éducation thérapeutique du patient. L’occasion d’en rappeler les enjeux, pour les soignés comme pour les soignants.
Délatérisation, perte d’orientation et de mémoire, grande fatigue… Le diagnostic est sans appel : Laura est atteinte du syndrome de Zlòbek. Le traitement est lourd. Elle devra avaler pas moins de douze médicaments par jour, à heure fixe, et subir des examens biologiques réguliers ponctués de rendez-vous avec le spécialiste. Et ce dernier la prévient d’emblée : « C’est un traitement à vie, qu’il faudra suivre à la lettre ! » Débordé, le médecin n’a pas le temps d’en dire davantage. Prochaine consultation dans trois mois… Dès lors, comment ne pas oublier les prises quotidiennes, comment organiser cette nouvelle vie avec la maladie, sur qui s’appuyer, comment encore conserver son autonomie ? Autant de questions que posent avec justesse les comédiens de la compagnie Mascarade. Le syndrome de Zlòbek, en effet, n’existe pas. Il n’était qu’un prétexte pour illustrer les enjeux de l’éducation thérapeutique du patient, à l’occasion d’une journée dédiée, à l’hôpital Avicenne (Bobigny), le 11 mai. Mais, nombre de patients atteints d’une maladie chronique auraient sans doute pu retrouver un peu de leur propre histoire dans celle vécue par Laura.
Rendre les patients autonomes
« Comme définie par l’Organisation mondiale de la santé en 1998, l’éducation thérapeutique vise à aider les patients à acquérir ou à maintenir les compétences dont ils ont besoin pour gérer au mieux leur vie avec la maladie. Cela fait partie intégrante et de façon permanente de leur prise en charge. Ces patients, qui ont des attentes et des besoins, nous souhaitons les rendre autonomes, notamment pour éviter une hospitalisation », a souligné Françoise Zantmann, coordinatrice générale des soins infirmiers de l’établissement. Dans ce contexte, Françoise Zantmann a souhaité que cette initiative soit le signal de départ d’un projet transversal de l’hôpital. « Nombre d’infirmières, de médecins et d’associations travaillent chacun de leur côté. Il nous faut désormais travailler ensemble pour avancer plus vite et pour une cause : celle de nos patients. »
« Cette notion que l’éducation thérapeutique du patient fait partie intégrante du soin est une vraie révolution en médecine. Elle signifie en effet que si l’éducation thérapeutique est absente du soin, en réalité, on ne soigne pas ! », a insisté le Pr Gérard Reach, chef du service d’endocrinologie du CHU. Apparue il y a tout juste quarante ans grâce aux travaux de l’Américaine Leona Miller, qui a montré qu’en mettant en œuvre des actions d’éducation thérapeutique dans un service de diabétologie les complications graves, les hospitalisations d’urgence et les amputations de pieds avaient été réduites, l’éducation thérapeutique est, en France, inscrite dans la loi HPST de 2009. « C’est elle qui a défini les compétences que les équipes doivent avoir, les domaines concernés et les procédures à mettre en œuvre pour initier des programmes d’éducation thérapeutique. C’est là aussi un événement qu’il faut souligner », a rappelé Gérard Reach.
« Il faut, poursuit-il, que la personne qui va devoir se soigner comprenne le sens de son traitement. Et dans "sens", on doit aussi comprendre "direction". Le patient doit savoir pourquoi, dans quel but et comment il va devoir se soigner. C’est même tout l’enjeu de l’éducation thérapeutique. »
Pour le médecin, il est nécessaire que les soignants oublient leur « jargon » et apprennent à parler aux soignés. « Le plus important n’est pas, dit-il, celui qui soigne mais celui qui se soigne. S’il n’y avait pas l’éducation thérapeutique du patient, il manquerait un élément fondamental à la médecine, le désir de résoudre quelque chose de terrible : le pouvoir médical. »
Texte et photo: Françoise Vlaemÿnck