« L’endométriose n’est pas une fatalité, il faut lever le tabou sur cette maladie » | Espace Infirmier
 
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23/05/2024

« L’endométriose n’est pas une fatalité, il faut lever le tabou sur cette maladie »

Infirmière depuis 2012, Elodie Nestor est revenue en Guadeloupe en 2015 où elle a fondé quelques années plus tard l’association Likid Chocolat qu’elle préside. Avec un objectif : accompagner avec bienveillance les femmes atteintes d’endométriose, un sujet qu’elle connaît bien et qui reste encore difficile à aborder.

Pouvez-vous nous détailler votre parcours ?

Je suis sortie diplômée d’IFSI en région parisienne en 2012 puis j’ai travaillé en soins de suite et rééducation (SSR) à Bordeaux en clinique. Très jeune, je souffrais déjà de fortes douleurs et j’ai beaucoup consulté. J’ai eu aussi de nombreux arrêts maladie qui n’étaient pas toujours bien compris dans mon entourage. L’endométriose n’était pas encore une cause nationale, comme c’est le cas depuis 2022. Mes douleurs étaient vraiment invalidantes et à 24 ans, après quasiment quinze années d’errance, le diagnostic est tombé. J’étais atteinte d’endométriose sévère qui touche les organes digestifs. J’ai dû me faire opérer une première fois. À cette période, j’étais dans le déni, je pensais qu’après l’intervention je reprendrais ma vie « d’avant ». C’était une erreur. Suite à des complications, j’ai subi une seconde opération et bénéficié d’un très bon accompagnement. Là, j’avais le temps, et je me suis vraiment questionnée sur mon métier d’infirmière, sur la notion de parcours de soins, et sur l’éducation thérapeutique du patient. Cela m’a vraiment transformée, et j’ai décidé de rentrer en Guadeloupe.

Avez-vous changé d’orientation professionnelle ?

Je ne voulais plus porter la blouse et je ne me voyais plus travailler en service de soins au contact des patients. Je me suis installée deux années en libéral puis je me suis orientée vers l’éducation thérapeutique du patient. J’ai suivi une formation de 40 heures puis un DU et j’ai obtenu un poste d’infirmière coordinatrice dans une unité de coordination thérapeutique du patient d’une structure gérée par l’Agence Régionale de Santé (ARS) de Guadeloupe. J’abordais l’asthme, le cancer, le diabète…mais pas l’endométriose. Or j’avais très envie de mettre en place quelque chose de spécifique autour de cette maladie. Ensuite, j’ai rejoint en tant qu’infirmière l’Assurance Maladie où je suis depuis six ans. Je sais que ce qui me passionne, c’est vraiment la santé publique, le travail en amont et la prévention.

Quand avez-vous créé l’association Likid Chokola ?

Dès 2018, mon but était de créer une association qui portait le programme d’éducation thérapeutique du patient (ETP) sur l’endométriose car pour moi l’ETP c’est vraiment la clé. Comprendre ce que l’on vit permet de mieux le vivre et aussi d’en parler plus facilement. Nous avons constitué une équipe en fonction du cahier des charges avec un gynécologue, deux kinésithérapeutes, deux psychologues, deux diététiciennes, une assistante sociale, deux infirmières dont une spécialisée dans le traitement de la douleur et une éducatrice sportive spécialisée. Tout cela a nécessité beaucoup d’investissement en termes de temps pour constituer le dossier, recruter, former, trouver un local aux Abymes. Nous avons obtenu l’agrément régional par le ministère de la Santé en novembre 2022 et celui pour l’ETP en août 2023.

Quelles sont les actions menées par l’association ?

Nous sommes confrontés en Guadeloupe à une problématique d’accès aux soins avec les différentes îles (Grande-Terre, Basse-Terre, Marie-Galante, La Désirade, Les Saintes) et un turn-over important des soignants. L’association Likid Chokola (inspiré du jargon médical pour désigner la maladie) porte le programme d’éducation thérapeutique du patient sur l’endométriose en rassemblant autour des femmes les professionnels dont elles ont besoin. Nous organisons des ateliers thérapeutiques afin d’éduquer et de former les patientes sur le sujet. Nous sensibilisons et informons (séminaires, stands d’informations, conférences) le grand public sur le sujet, menons des actions en milieu scolaire (Endoschool) dans les lycées en montant des groupes de parole avec les parents d’élèves en collaboration avec les infirmières scolaires. Nous montons aussi des actions sportives afin de montrer aux femmes que l’activité physique adaptée ou le yoga par exemple, sont bénéfiques. Et depuis 2023, nous avons intégré la problématique du fibrome dans nos actions. Au départ, l’association était constituée uniquement de professionnels de santé mais depuis elle s’est ouverte aux patientes, aux hommes, et aux aidants car la maladie concerne tout le monde. L’objectif est vraiment de trouver différentes façons de sensibiliser à l’endométriose, en entreprise, par le sport ou grâce à des artistes. Nous sommes là aussi pour organiser tout ce qui se passe autour de la maladie. Les conséquences sont nombreuses notamment avec les arrêts de travail et l’aspect social est essentiel. Le côté financier aussi bien sûr, car si une femme doit partir en métropole pour se faire opérer, le déplacement et l’hospitalisation ont un coût important. Le but est vraiment d’aider chaque femme de notre territoire touchée par l’endométriose à sortir de son quotidien de la maladie, à rencontrer d’autres femmes, à développer la bienveillance et la résilience. Car cette maladie n’est pas une fatalité !

Propos recueillis par Isabel Soubelet

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