Adopté il y a près de six mois, l’accord qui doit permettre aux infirmières françaises d’aller exercer dans la Belle Province et à leurs homologues québecoises de traverser l’Atlantique se heurte aux pesanteurs administratives.
Signé le 30 juin dernier dans le cadre de l’Entente de mobilité conclue par les gouvernements de la France et du Québec, l’Arrangement de reconnaissance mutuelle (ARM) franco-québecois des qualifications professionnelles des infirmières tarde à se concrétiser. Notamment dans sa partie française, « il reste encore beaucoup de choses à faire pour qu’il soit opérationnel », a admis mercredi la présidente de l’Ordre national des infirmiers de France, Dominique Le Bœuf, lors d’une conférence de presse.
Aux termes de l’accord, les infirmières québecoises qui viendront exercer en France, devront effectuer ici un stage de 75 jours à l’issue duquel elles seront autorisées ou pas à exercer dans leur pays d’accueil. Des systèmes de reconnaissance des qualifications existent déjà pour les soignants ressortissants de pays européens. Ils relèvent de deux types de procédures : soit une reconnaissance automatique des diplômes lorsqu’un diplôme équivalent existe dans le pays concerné, soit un passage par la commission régionale de validation des diplômes pour les diplômes de nouveaux Etats membres qui ne sont pas tout à fait en cohérence avec les diplômes français, a rappelé Mme Le Bœuf.
Conseillère référente et groupe de travail
Cette fois, avec le Québec, les choses vont être très différentes puisque c’est le Conseil national de l’Ordre des infirmiers qui devra instruire au cas par cas chaque dossier de candidat québecois à l’exercice infirmier en France. La procédure est la suivante : « On échange des documents avec le Québec, puis le Conseil national de l’Ordre doit vérifier les pièces et instruire le dossier, définir le contenu du stage et en élaborer une grille d’évaluation », énumère Mme Le Bœuf. Cerise sur le gâteau bureaucratique : si à l’issue du stage, l’Ordre français considère l’infirmier québecois apte à exercer en France, il devra transmettre son avis favorable au ministère en charge de la Santé, seul habilité à délivrer l’autorisation d’exercer. Rien de tel au Québec où la décision d’autorisation d’exercice pour les infirmiers français relève de l’Ordre des infirmières et infirmiers du Québec (OIIQ).
L’Ordre des infirmiers français a désigné mercredi, lors d’une séance plénière de son Conseil national, une conseillère ordinale référente pour superviser la mise en œuvre complexe de l’ARM en la personne de Martine Berger, formatrice en Picardie. Il est aussi question de monter un groupe de travail composé de personnalités qualifiées. « On envisage d’y mettre des étudiants et aussi éventuellement des conseillères pédagogiques régionales », a précisé Dominique Le Bœuf. En effet, contrairement aux idées reçues, « on s’aperçoit que ce ne sont pas obligatoirement des infirmiers en exercice au Québec qui viennent chez nous, mais très souvent de jeunes infirmiers qui sortent d’études », d’où l’importance d’une représentation étudiante dans ce groupe de travail, a-t-elle relevé, espérant que les travaux de la conseillère référente et du groupe de travail auront pu aboutir à une mise en œuvre de l’Arrangement « à l’été » prochain, soit un an après sa signature...
Bien que pas encore appliqué, l’ARM semble déjà augmenter le pouvoir d'attraction que le Québec exerce sur les infirmières françaises, constate pour sa part l’Ordre québecois, puisqu’à l’occasion du Salon infirmier de Paris en novembre, « au moins 172 d'entre elles se sont engagées à venir occuper un poste au Québec au printemps 2011 et dans les mois suivants », selon l’OIIQ. Actuellement, 544 infirmières françaises sont inscrites au Tableau de l'Ordre québecois, avec un excellent taux de rétention : 71% après cinq ans.
Cécile Almendros