23/04/2009

L'hôpital public en colère

Le mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP) a tenu une conférence de presse mercredi 22 avril 2009, expliquant les raisons de l’appel à manifester le 28 avril prochain.

Appel à une mobilisation générale
« Nous appelons une mobilisation sans précédent, exemplaire, posant la question centrale de l’avenir de l’hôpital public. » C’est avec ces mots que commence Bruno Devergie, représentant la Confédération des praticiens hospitaliers, appartenant au « mouvement de défense de l’hôpital public ».

« Nous sommes opposés à la suppression des services, à la suppression des CME, base de la collégialité à l’hôpital. Mme Bachelot a fait une faute politique majeure en ne prenant pas en compte la sévérité de la crise de l’hôpital public, qui est au bord de l’explosion sociale. Elle n’a pas non plus mesuré le degré d’attachement des Français à l’hôpital public. » Visiblement découragé , il conclut : « la loi HPST est promulguée pour satisfaire la vision des directeurs hospitaliers, qui est un lobby politique. Et cette même loi constitue une atteinte à la mission de l’hôpital public, elle remet en cause l’accessibilité aux soins ».

Pour ces raisons, le mouvement de défense de l’hôpital public (MDHP), conduit par Bernard Granger, psychiatre à l’AP-HP, appelle à une mobilisation générale mardi 28 avril, au pied de la tour Montparnasse à 11 h. De nombreuses villes comme Lille, Caen, Nancy, Marseille, Toulouse rejoignent ce mouvement, l’élargissant à un niveau national.
La situation est grave. Preuve en est : tous les personnels de l’hôpital, administratifs et techniques, médicaux, paramédicaux, preneurs de décision comme ouvriers, sont d’accord. Et ça, c’est une première.

Pour des états généraux de la santé
Les internes, médecins, chefs de service et professeurs émérites représentants syndicaux des personnels hospitaliers sont tous d’accord au sein du MDHP : pourquoi faire passer en force une loi concernant l’hôpital public, quand la réforme précédente n’est pas achevée et encore moins évaluée ?

Pour le Pr André Grimaldi, chef de diabétologie à la Pitié –Salpêtrière (APHP), « nous étions d’accord pour réformer l’hôpital. Nous avons participé à la réforme de la gouvernance, à la mise en place des pôles pour une meilleure gestion hospitalière. Pour nous qui avons joué le jeu, cette nouvelle réforme est un coup de poignard dans le dos ! »
Quant à François Piette, vice-président de la Coordination des médecins hospitalo-universitaires, son attachement à l’hôpital et son exaspération se font ressentir : « j’exerce depuis 37 ans, et le 28 avril prochain je serai en grève pour la première fois. Il est pour nous impossible d’accepter les budgets tels qu’ils nous sont proposés dans l’optique de la convergence public-privé. L’hôpital public assume des missions et prend en charge des pathologies lourdes que le privé n’assume pas. »

Tous demandent des états généraux de la santé avant de faire passer cette loi. Car « comment peut-on se passer d’un débat public pour une question aussi importante que l’avenir de l‘hôpital public ? », s’interroge Rose-May Rousseau, secrétaire générale de la CGT-APHP.

Arrêt des suppressions de postes
Tous les syndicats et médecins sont unis dans le message suivant : il faut arrêter de supprimer des postes de manière arbitraire. En général, les postes vacants sont supprimés. Plus de 2 000 postes non-médicaux ont ainsi été simplement supprimés en 2008, ce qui a entraîné la fermeture de services.

« Aujourd’hui, nous sommes à la limite de la sécurité au niveau des postes techniques. Ces suppressions de postes ont une incidence directe sur la qualité des soins et donc sur la prise en charge des patients », ajoute Marie-Christine Fararik, secrétaire générale de Sud Santé.

Dans un contexte de restriction budgétaire, pourquoi le personnel est-il la première variante d’ajustement ? « Ce sont à nouveau 1 200 emplois qui vont être supprimés en 2009 à l’Assistance publique et Mme Bachelot a parlé de 20 000 emplois supprimés dans les hôpitaux,sur tout le territoire national, dans les années à venir », dénonce Rose-May Rousseau.

Le directeur général de l’AP-HP a en effet annoncé, dans le cadre du plan d’économie ou PER (plan de retour à l’équilibre) s’élevant à 400 millions d’euros, le regroupement des 38 établissements hospitaliers en 11 territoires de santé. Ces restructurations entraîneront des fermetures d’établissements. L’EPRD (état prévisionnel des recettes et des dépenses) voté par la CME de l’AP-HP pour l’année 2009 prévoit la suppression de ces 1200 postes.

Sur ce point, le MDHP est clair « nous n’aurions pas dû voter l’EPRD… mais nous avions un pistolet sur la tempe. En effet, si nous avons signé, c’est que nous voulions continuer à participer au débat de l’hôpital public. Nous pensions qu’il valait mieux participer au débat que faire la politique de chaise vide. Nous avons eu tort et nous le réalisons aujourd’hui ».

Contre l’amendement 868
Autre point de conflit : l’amendement 868 de la loi HPST. L’AP-HP qui bénéficiait jusque là d’un statut dérogatoire serait ramenée au même plan que tous les autres établissements. L’AP-HP ne pourrait donc plus voter son budget annuel, elle sera sous tutelle de l’ARS Ile-de-France. Le MDHP souhaite le retrait de cet amendement.

L’hôpital n’est pas une entreprise
Et justement, pour le MDHP, l’hôpital public n’est pas une entreprise. Parmi ses missions, clairement définies, l’une d’elles est d’assurer un accès égal aux soins pour tous.
« L’hôpital-entreprise », dirigé par un « patron » comme l’a annoncé Nicolas Sarkozy, doit obéir à une logique comptable obéissant à une recherche de rentabilité, même si cela est en contradiction avec sa mission de soins.

Pour ce faire, la loi HPST prévoit de donner les pleins pouvoirs au directeur de l’hôpital. Il n’a plus besoin d’être fonctionnaire et peut venir d’une entreprise privée n’ayant rien à voir avec la santé.
Il décide de l’embauche de l’ensemble des personnels hospitaliers et il est responsable du projet médical. Comme le directeur de l’hôpital est, selon la loi, nommé par le directeur de l’ARS (agence régionale de santé), qui est lui-même nommé et révoqué par le conseil des ministres, cela revient à dire que les directeurs d’hôpitaux devraient appliquer la vision des ministres, elle-même insufflée par…le président de la république. Incroyable ? L’ARS applique la vision du gouvernement, les hôpitaux exécutent les décisions du directeur de l’ARS.


CAROLE IVALDI

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