Depuis lundi, l’hôpital parisien n’accueille plus les urgences lourdes, dirigées vers les autres services d’urgence de la capitale. Il reste ouvert aux patients qui peuvent y accéder par leurs propres moyens. Pour les équipes comme pour les militants, le compte n’y est pas.
« Aujourd’hui, si vous arrivez aux urgences, vous êtes pris en charge comme la semaine dernière, expose Guillaume Gandoin, IDE urgentiste à l’Hôtel-Dieu. Vous voyez l’infirmier d’accueil et d’orientation, le médecin et l’infirmier urgentiste. » Des lits d’aval sont toujours disponibles, puisque le service de médecine interne Saint-Robert reste ouvert. La fréquentation du service a, toutefois, sensiblement diminué. « On est autour de 30 passages sur les dernières douze heures », poursuit l’infirmier.
« Perte de chance pour les patients »
Syndicats, élus locaux et personnels restent, néanmoins, mobilisés contre le projet de l’AP-HP, qui souhaite « transformer » l’hôpital en centre de consultation sans hospitalisation. « C’est une perte de chance pour les patients qui viennent grossir les files d’attentes des autres services d’urgence, déjà saturés », martèle Rosemay Rousseau, secrétaire générale de l’USAP-CGT Ile-de-France. Pour le Pr Fagon, responsable médical du nouvel Hôtel-Dieu interrogé par APM, environ 30 patients étaient amenés chaque jour par les ambulances et les pompiers. Cela représentera en moyenne une charge supplémentaire de « cinq ou six malades par jour » pour les sites qui les accueilleront, a-t-il tempéré.
Les militants interpellent la ministre de la Santé, le maire de Paris et sa première adjointe, pour qu’ils passent des paroles aux actes. Bertrand Delanoë affirmait encore dimanche que les urgences de l’Hôtel-Dieu ne seraient pas démantelées. « Depuis un an, les élus PS affichent un discours mais, quoi qu’ils disent, l’AP-HP ne modifie pas ses plans », ajoute Guillaume Gandoin.
Alors que les services de l’Hôtel-Dieu ont été progressivement transférés vers d’autres établissements, il ne reste plus aujourd’hui, sur l’île de la Cité, que les urgences, les urgences ophtalmologiques, un service de médecine interne ainsi que l’accueil médico-judiciaire. Pourtant, des professionnels pensent toujours que l’hôpital peut être sauvé. « Il faudrait évidemment remettre des moyens, mais ceux du personnel qui sont déjà partis sont prêts à revenir », insiste Guillaume Gandoin.
« On nous incite à quitter notre poste »
On peut, néanmoins, douter que la volonté politique soit présente au ministère. « Le projet Fagon, cet " hôpital debout ", ne pourra pas fonctionner, assure Rosemay Rousseau. L’objectif est de déclasser cet hôpital dans le PLU. On y installera peut-être le siège, et quand on aura montré combien cela revient cher dans ce quartier, il sera vendu à des promoteurs… »
Les méthodes de l’AP-HP laissent un goût amer aux agents de l’établissement. « On nous incite à quitter notre poste, en tentant de nous culpabiliser par rapport aux besoins reportés sur les autres services d’urgence, explique Guillaume Gandoin. Mais, à ceux qui trouvent un autre poste, on demande de rester plus longtemps à l’Hôtel-Dieu. On nous annonce que nous serons prioritaires pour les créations de postes, puis ce n’est plus le cas ; on nous dit qu’il faudra faire des choix entre nous. Je ne compte plus les agents qui sortent du bureau de la directrice des soins en pleurant… »
Texte et photo: Sandra Mignot