De l’extinction des hospices à l’avènement de la démocratie sanitaire, le musée de l’AP-HP retrace un siècle d’évolutions au bénéfice des malades.
«La salle commune aux cinquante lits est un anachronisme, une survivance médiévale, (…) une faute lourde de lèse-humanité», s’indignait un médecin, le Dr Mazel, dans un rapport de 1932. Ces grandes salles, véritables sociétés en miniature où chacun assistait aux soins, mais aussi aux souffrances, voire à l’agonie, de ses compagnons d’infortune, ne disparaîtront définitivement des hôpitaux français qu’à la fin des années 1980.
Tarification au poisson
Mais dans le même temps, que d’évolutions! En quelques décennies, les établissements ont changé de visage. Sous l’effet parfois de modestes mais ingénieux aménagements (tablettes amovibles pour les repas, casques pour écouter la radio sans importuner son voisin, badges pour identifier plus facilement les soignants, livrets d’accueil…). Mais aussi du fait de mutations profondes de la société, que l’hôpital a bel et bien intégrées malgré les lourdeurs administratives ou les réticences du corps médical: individualisation de l’accueil, meilleure attention accordée à l’enfant, avènement du patient comme un vrai interlocuteur face aux soignants…
Exposition proposée depuis le 21octobre par le musée de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, «L’Humanisation de l’hôpital, mode d’emploi» réserve de savoureuses anecdotes (tel ce praticien qui faisait payer les patients de sa consultation libérale sous forme de poissons pour l’aquarium de la salle d’attente…). Mais son propos, servi par d’éclairants entretiens en vidéo (infirmières, médecins, directeurs d’hôpitaux, représentants des patients, sociologue, journalistes…), va bien au-delà, et surtout, ne fait pas l’impasse sur les difficultés qui persistent.
L’hôpital «comme à la maison?»
Encore aujourd’hui, «certains services d’urgences sont repoussants», pointe ainsi une interviewée. La contrainte budgétaire, déjà perceptible dans les témoignages des années 1950, est plus prégnante que jamais. L’instabilité des équipes rend difficile une relation suivie avec le malade, et ce que l’on gagne par la technicisation des soins et l’instauration de protocoles peut se perdre en qualité d’échanges avec le patient.
Dès lors, l’hôpital peut-il vraiment constituer une «maison» pour le malade? Entre les impératifs liés à l’organisation des soins et les légitimes revendications soulevées par les patients et l’opinion, cette exposition courte mais dense jette les jalons d’une passionnante quête d’humanité, qui s’annonce sans fin.
Nicolas Cochard
Pratique. Jusqu'au 20 juin 2010, au Musée de l’AP-HP, 47, quai de la Tournelle, Paris (Ve). M° Maubert-Mutualité. Tarif: 4 euros, gratuité pour le personnel de l'AP-HP (entre autres).
Un DVD alimenté par de nombreux témoignages et des expériences de terrain complète l’exposition (25 euros).
Le catalogue est disponible auprès du musée (20 euros jusqu’au 30 novembre, puis 27 euros).
Photo. Publicité pour la table-pont «Laënnec», maison Adap-table, in La Revue hospitalière de France, n° 187, janvier 1966. © Photothèque des Archives de l'AP-HP. Le site du musée présente un diaporama de pièces exposées.