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L'âgisme est un problème réel qui affecte les infirmières plus âgées et nuit à la qualité des soins prodigués aux patients. En luttant contre cette discrimination et en valorisant l'expérience des infirmières, il est possible de créer un système de santé plus inclusif et performant, ce qui pourrait contribuer à retarder le départ à la retraite.
Le vieillissement de la population mondiale entraîne un report de l'âge de départ à la retraite, y compris chez les professionnels de santé, comme l'a observé l'OMS en 2016. Par exemple, l'âge médian des infirmières en Nouvelle-Zélande est passé de 42,6 ans en 1998 à 46 ans en 2019, avec des tendances similaires dans les autres pays anglo-saxons. L'âge moyen en France est légèrement plus jeune autour de 41,5 ans (Dress, 2021).
Des preuves suggèrent que l'âgisme peut avoir une incidence conduisant à un départ précoce des professionnels de santé. L'âgisme, terme apparu à la fin des années 1960, caractérise des stéréotypes, des préjugés et/ou de la discrimination dirigés contre les personnes âgées en fonction de leur âge chronologique ou de leur perception comme « vieux ». L'âgisme peut avoir un impact significatif sur les infirmières plus âgées en affectant négativement leur motivation et leur engagement professionnel, leur bien-être émotionnel et leur performance au travail, ce qui peut entraîner un désengagement professionnel, un départ anticipé à la retraite, du stress, de l'anxiété et une baisse de la confiance en soi.
Une recherche australienne (1) a démontré trois axes de positionnement des professionnels face à la montée en âge :
- Un regard sur le vieillissement corporel car les personnes peuvent présenter des changements affectant leur capacité à travailler de manière optimale ;
- Une priorisation de la jeunesse car de nombreux soignants âgés se perçoivent ou sont perçus comme des professionnels de moindre qualité et reçoivent moins de propositions de formation continue en raison de leur âge ;
- Une expertise des infirmières ayant de l’expérience car elles sont respectées pour leurs compétences. Ce personnel plus âgé apporte une vaste expérience et des connaissances approfondies, améliorant ainsi la qualité des soins et soutenant les collègues moins expérimentés.
Une autre étude (2) portant sur 19 recherches sur les stratégies permettant de lutter contre l'âgisme a également été publiée en 2024.
Différentes manifestations de discrimination ont été identifiées. Ainsi, les infirmières plus âgées font face à des attitudes contrastées de la part de leurs collègues plus jeunes. D'un côté, certaines jeunes professionnelles admirent les performances exceptionnelles de leurs aînées dans les situations d'urgence, reconnaissant ainsi leur expérience et leur expertise. Cependant, d'autres ont des préjugés négatifs, les stigmatisant pour leur lenteur et leur manque de contribution au travail d'équipe. Malgré la confiance en leurs compétences, les infirmières plus âgées peuvent donc être confrontées à des remises en question de la part de ces jeunes collègues, qui vont jusqu’à leur suggérer de changer de poste.
La perception des professionnelles plus âgéesCes attitudes négatives peuvent avoir un impact sur le désir des infirmières plus âgées de poursuivre leur carrière, d’autant qu’elles bénéficient de moins de formations continues que leurs collègues plus jeunes. Par ailleurs, elles soulignent que leurs suggestions de changements organisationnels sont peu entendues, elles se sentent donc impuissantes et peu valorisées. Un certain nombre d’entre elles pointent également que l'âgisme a un impact sur leur bien-être émotionnel et leurs performances, compromettant ainsi leur engagement professionnel.
Comment prévenir l'âgisme chez les professionnels de santé ?Les chercheurs ont identifié plusieurs facteurs clés. Tout d'abord, il est important que chaque individu accepte son propre vieillissement et prenne soin de lui-même en adoptant des habitudes de vie saines, telles que la pratique régulière d'une activité physique et une alimentation équilibrée. Ensuite, il est essentiel d'impliquer le personnel plus âgé dans les décisions organisationnelles et de favoriser leur accès aux formations pour leur permettre de maintenir et de développer leurs compétences. En outre, un environnement de travail respectueux des différences d’âge est important pour favoriser une bonne cohésion entre les membres de l'équipe et réduire les préjugés des infirmières plus jeunes envers leurs collègues plus âgées.
Geneviève Perennou
(1)Denton J, Evans D, Xu Q. Being an older nurse or midwife in the healthcare workplace- A qualitative descriptive study. J Adv Nurs. 2021 Nov;77(11):4500-4510. doi: 10.1111/jan.14964. Epub 2021 Jul 13. PMID: 34254337.
(2) Chunxu Chen, Kay Shannon, Sara Napier, Stephen Neville, Jed Montayre, (2024), J Clin Nurs. 2024;00:1–24. https://doi.org/10.1111/jocn.17088