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03/12/2024

« L’IMPORTANT EST DE SORTIR D’UN MÉTIER DÉFINI UNIQUEMENT PAR LES ACTES QU’IL A LE DROIT DE FAIRE »

INTERVIEW DE FRÉDÉRIC VALLETOUX : Le député de Seine-et-Marne et ancien ministre de la Santé a déposé mi-novembre avec sa collègue Nicole Dubré-Chirat une proposition de loi pour renforcer le rôle des infirmiers dans le système de santé (voir NL du 21 novembre). Aujourd’hui, il en détaille pour nous les enjeux et le calendrier.

QUELS SONT LES OBJECTIFS DE LA PROPOSITION DE LOI QUE VOUS AVEZ DÉPOSÉE ?
Cette proposition de loi est le résultat d’un chantier de la refonte du métier d’infirmier, qui avait été ouvert par François Braun et que j’avais repris à bras le corps au cours des quelques mois que j’ai passés au ministère de la Santé. En tant que maire, en tant que parlementaire, en tant que président de la Fédération Hospitalière de France (FHF), j’avais acquis la conviction qu’il y avait un angle mort, et qu’il fallait s’appuyer différemment sur les infirmiers. Pour faire bouger les lignes, il me semblait essentiel de mieux reconnaître le métier, dont la valorisation souffre d’un certain nombre de retards…

CONCRÈTEMENT, COMMENT CETTE CONVICTION S’EST-ELLE TRADUITE ?
Je m’étais engagé en tant que ministre à ce qu’une proposition de loi, qui devait être déposée par la présidente de la commission des Affaires de l’époque, Charlotte Parmentier-Lecocq (depuis devenue ministre déléguée en charge des personnes handicapées), soit discutée au mois de juillet, avec l’ouverture par la suite de négociations avec l’Assurance maladie pour voir comment traduire financièrement les évolutions législatives. Mais la dissolution a empêché que ce texte soit déposé. J’ai voulu avec cette nouvelle proposition montrer à la profession que malgré les changements liés à la vie politique de notre pays, je n’oubliais pas mes engagements passés.

LE 1er ARTICLE DE VOTRE PROPOSITION ENTEND « REDÉFINIR LA PROFESSION D’INFIRMIER », QU’EST-CE QUE CELA SIGNIFIE CONCRÈTEMENT ?
Le souhait est de renforcer ce qui définit le métier dans le code général de la santé, et d’en tirer les conséquences notamment en créant la consultation infirmière. Il s’agit donc de donner davantage d’autonomie et de responsabilités aux infirmières.

L’ARTICLE 1 VISE ÉGALEMENT À ÉTENDRE LA PRESCRIPTION INFIRMIÈRE, QU’EN EST-IL ?
Nous avançons avec prudence, car ce n’est pas à la loi de poser des protocoles médicaux, c’est aux médecins et aux institutions médicales de le faire. Cela étant posé, nous souhaitons effectivement que cette possibilité de prescrire soit élargie, de manière consensuelle, sous le contrôle des médecins et dans le cadre d’un exercice coordonné.

L’ARTICLE 2 PORTE SUR LA PRATIQUE AVANCÉE, QUE PRÉVOIT-IL ?
Nous voulons faire bouger les lignes sur la pratique avancée. Nous tardons à faire émerger des systèmes qui existent déjà ailleurs, qui ont des bénéfices pour les patients mais aussi pour les professionnels qui se voient confier de nouveaux rôles. Le chemin des IPA est long et semé d’embuches, mais je suis persuadé que dans quelques années, on se retournera et on regrettera le temps perdu sur ce sujet.

VOTRE PROPOSITION DE LOI VISE DAVANTAGE À ÉTENDRE LA PRATIQUE AVANCÉE À DE NOUVEAUX DOMAINES (MILIEU SCOLAIRE, AIDE À L’ENFANCE…) OU SPÉCIALITÉS INFIRMIÈRES (PUÉRICULTRICES, ANESTHÉSISTES…) QU’À LA RENFORCER ?
En étendant la pratique avancée, nous la renforcerons, car nous permettrons à un plus grand nombre de professionnels d’exercer de cette manière.

VOTRE PROPOSITION DE LOI EST-ELLE LA LOI INFIRMIÈRE PROMISE PAR LE PREMIER MINISTRE MICHEL BARNIER DANS LA DÉCLARATION DE POLITIQUE GÉNÉRALE LE 1er OCTOBRE DERNIER ?

Je ne sais pas. Cette loi a été évoquée dans le discours de politique générale, puis je n’en ai plus entendu parler ni par le premier ministre, ni par la ministre de la Santé. Donc si le gouvernement veut s’appuyer sur cette proposition, la reprendre, l’enrichir, c’est tant mieux, je n’ai pas de droit d’auteur. L’important est qu’on sorte d’un métier qui se définit uniquement par les actes qu’il a le droit de faire.

EN PLUS DE LA RECONNAISSANCE PROFESSIONNELLE, LES INFIRMIERS ATTENDENT UNE RECONNAISSANCE FINANCIÈRE, COMMENT RÉPONDRE À CELA ?

C’est quelque chose qu’on avait commencé à évoquer avec les organisations infirmières quand j’étais ministre, et c’est pour ça que j’ai parlé de négociations avec l’Assurance maladie. L’idée est de consacrer le repositionnement de la profession dans la loi dans un premier temps, puis d’attaquer dans un deuxième temps le sujet budgétaire, qui est tout à fait légitime. Mais j’entends tout à fait qu’il aurait été souhaitable de faire les choses de manière plus rapide et plus volontariste.

COMMENT VOTRE PROPOSITION EST-ELLE NOURRIE PAR LES TRAVAUX SUR LA REFONTE DU MÉTIER MENÉS DEPUIS PLUSIEURS MOIS ?
Je n’ai plus une vue à 360 degrés sur la coordination de tous ces travaux, mais l’idée est bien que les chantiers législatif, réglementaire et conventionnel n’avancent pas les uns sans les autres. Nous voulions profiter de l’année 2024 pour ce faire et pour tout remettre à plat, nous avons perdu du temps, mais nous espérons pouvoir inscrire le texte rapidement à l’agenda parlementaire.

JUSTEMENT, QUEL EST LE CALENDRIER PRÉVISIONNEL POUR LA MISE À L’ORDRE DU JOUR DE CETTE LOI ?
Notre idée est de faire signer la proposition par un grand nombre de députés issus de différents groupes, de façon à pouvoir l’inscrire sur un temps dédié aux propositions de loi transpartisanes. Ce sont des cessions qui ont lieu environ tous les deux mois, donc cela va se décider prochainement, et nous espérons bien avoir l’opportunité d’avancer dès le début de l’année 2025.

QUE SE PASSERA-T-IL EN CAS DE CENSURE DU GOUVERNEMENT ?
L’avantage de ce type de proposition de loi, c’est qu’elle ne dépend pas du bon vouloir d’un ministre. Certes, il faut qu’il y ait un gouvernement pour réunir le Parlement, mais c’est un outil qui nous donne plus de chances d’avancer, quoi qu’il arrive.

Propos recueillis par Adrien Renaud

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