13/12/2011

"L'ordre infirmier n'a qu'un objectif: engranger des cotisations!"

Principal animateur de la lutte contre l’ordre infirmier, le syndicat Résilience maintient sa pression et porte le fer devant les tribunaux. Entretien avec Hugues Dechilly son secrétaire général.

Espaceinfirmier: Vous avez ce matin même intenté une action en référé devant le tribunal administratif de Strasbourg conte l’ordre départemental des infirmiers du Bas-Rhin. Pourquoi ?
Hugues Dechilly: Afin de faire constater par la juridiction administrative l’illégalité statutaire et de fonctionnement du conseil départemental de l’ordre des infirmiers (CDOI). Le mandat des élus, comme celui de l’ensemble des CDOI, s’est en effet achevé en avril dernier, il aurait donc dû, comme les autres instances, organiser des élections. Mais cela n’a pas été fait. Nous connaîtrons la position du tribunal d’ici à trois semaines.
Cette démarche s’inscrit dans le prolongement de notre action du 14 juin dernier : dans le cadre d’un recours en responsabilité, nous avions déjà enjoint les CDOI à organiser des élections sans délai.
 
Allez-vous lancer d’autres initiatives du même genre ?
Absolument. Nous allons, dans les heures et les jours qui suivent, multiplier les référés auprès des tribunaux administratifs un peu partout en France.
 
Le ministère de la santé a annoncé le 5 décembre dernier qu’il cherchait des solutions juridiques pour prolonger le mandat des élus départementaux et régionaux, comme il l’avait fait pour les élus du conseil national le 24 novembre. Pourquoi ne pas attendre qu’il les trouve ?
Chacun joue sa partie. Nous jouons la nôtre et continuons d’agir en tant que syndicat infirmier pour défendre les intérêts de la profession. Selon nous, le ministère est empêtré dans cette histoire. A l’origine, la création de l’ordre infirmier est en effet une initiative parlementaire, et les députés de la majorité qui ont voté sa mise en œuvre en 2006 - niant au passage la volonté de la profession qui ne voulait pas d’une instance ordinale - siègent toujours, pour la plupart, à l’Assemblée nationale, alors que ceux de l’opposition sont favorables à l’abrogation de l’ordre. Aujourd’hui, le ministère assure la gestion de la crise ordinale jusqu’à la prochaine élection présidentielle, à l’issue de laquelle il passera la patate chaude à son successeur.
Mais nous, nous n’avons pas le temps d’attendre, parce qu’au quotidien des jeunes diplômées sont menacées de ne pas trouver de poste si elles ne sont pas inscrites à ordre, et que les infirmières libérales sont en but à d’importantes difficultés puisque les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) exigent qu’elles soient inscrites à l’ordre pour leur régler leurs actes. Nous estimons que le ministère de la Santé tient un double langage. D’un côté, Xavier Bertrand déclare que les infirmières sont libres de ne pas adhérer et de cotiser à l’ordre, et de l’autre, via les CPAM et les ARS, il maintient la tête de l’ONI hors de l’eau en lui donnant les moyens de faire rentrer des fonds, pour contenter la Bred, la banque ordinale.
 
Au cours des derniers mois, votre syndical s’est adressé à plusieurs reprises aux parlementaires afin qu’ils votent l’abrogation de l’ordre infirmier. Avez-vous reçu des réponses de leur part ?
Des réponses, nous en avons beaucoup, surtout à l’approche des élections présidentielles et des législatives qui suivront ! La dernière en date est celle de Jean-Marc Ayrault, président du groupe socialiste à l’Assemblée nationale, qui nous a indiqué avoir déposé plusieurs propositions parlementaires de loi visant effectivement à abroger l’ordre. Pour l’instant, faute de majorité, elles sont en instance. Et le Sénat, désormais à gauche, ne peut promulguer, seul, une loi.
 
Vous avez donc tout intérêt à ce que la gauche gagne les prochaines élections ?
Nous n’avons pas à appeler au vote pour tel ou tel candidat. Mais, en tant que citoyen, chacun a le pouvoir de voter, et j’imagine que les candidats à la présidence de la République comme à la députation ne sont pas insensibles à un réservoir de voix de quelque 500 000 infirmières et 80 000 étudiants… Par ailleurs, nous allons prochainement demander aux candidats à la présidentielle de s’engager, par écrit, à voter l’abrogation des ordres paramédicaux, et de l’ordre infirmier en particulier, dans un délai de deux mois à compter de leur élection. Bref, on ne se contentera pas de vagues promesses.
 
L’ONI a annoncé, début décembre, l’adhésion de 108 000 infirmières, dont 80 % seraient à jour de leur cotisation. C’est un bon résultat au vu des objectifs qu’il s’était fixé dans le cadre de son plan de restructuration. Comment appréciez-vous ce bilan ? N’est-ce pas le signe que les infirmières auraient changé d’état d’esprit par rapport à l’ordre ?
Comme je viens de le dire, Résilience reçoit chaque jour des appels d’infirmières excédées du positionnement de l’ordre infirmier qui n’a qu’un objectif : engranger des cotisations ! Pour le reste, l’ordre n’apporte aucune réponse, aucun service aux professionnelles. Depuis plusieurs mois, l’ordre est même dans l’impossibilité de distribuer des caducées !
Didier Borniche qui a repris la présidence de l’ordre à la fin de l’été, et a obtenu le soutien de la Bred pour mettre en place son plan de restructuration, applique les méthodes des gestionnaires et des banquiers. Il ne se pose pas de questions, il fait simplement rentrer de l’argent dans la caisse. C’est son seul but. Et pour cela, l’ordre organise un véritable racket auprès des infirmières, principalement auprès des jeunes diplômées, et il fait la chasse aux infirmières libérales. J’insiste car, depuis cet été, l’ordre est totalement sous la tutelle de sa banque. Le plan de redressement décidé par la Bred pour le compte de l’ONI prévoit d’ailleurs que l’ordre se contente d’exploiter un fichier d’environ 100 000 de professionnelles afin de s’assurer un budget de 5 à 6 millions d’euros par an. Une somme qui lui suffit pour continuer « à exister ».
 
Résilience est actuellement le principal animateur de la lutte contre l’ordre infirmier. Vous êtes un jeune syndicat, quelles sont vos forces aujourd’hui ?
Notre force c’est notre motivation, et le bénévolat de nos membres. Et on a envie d’en découdre ! Contrairement à beaucoup de syndicats, nous n’avons pas de permanents, et nous ne vivons qu’avec le fruit de nos cotisations. Notre force est aussi de joindre nos actes à nos paroles. Nous avons par ailleurs une aide précieuse : celle de notre avocat, Maître Gilles Devers, qui est un ancien infirmier et qui connaît parfaitement les arcanes et les difficultés de la profession. Certes, nous sommes un petit syndicat, mais nous sommes très mobilisés, et nous consacrons beaucoup de temps et d’énergie à informer et à sensibiliser nos collègues qui sont maintenues dans l’ignorance. Nous leur apportons aussi une aide technique, par exemple lors de procédures judiciaires, ou bien lorsqu’elles sont en conflit avec les instances ordinales régionales et départementales. Aujourd’hui, nous comptons déjà plusieurs centaines d’adhérents.
 
Pourquoi Résilience n’a-t-il pas rejoint l’intersyndicale (1) ?
L’intersyndicale ne nous l’a jamais demandé, mais nous aurions de toute façon décliné l’offre parce que nous ne voulons pas perdre notre autonomie à agir ni aliéner notre réactivité à la décision d’un groupe. Par ailleurs, nous estimons que l’intersyndicale n’est pas suffisamment offensive contre l’ordre. La semaine passée elle a certes publié un communiqué contre l’ordre, mais on ne l’avait pas entendue depuis des mois.
 
Françoise Vlaemÿnck

 

1 - L'intersyndicale anti-ordre regroupe la CFDT Santé Sociaux, la CGT Santé Action Sociale, la CFTC Santé Sociaux, FO Santé Sociaux, le SNICS FSU, Sud Santé Sociaux, et l'Unsa Santé Sociaux.

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