En décembre 2023, l’Ecole universitaire de recherche en sciences infirmières a ouvert ses portes au sein de l’université Sorbonne Paris-Nord. Le point avec sa directrice, Aurore Margat, également maître de conférences – Habilitée à diriger des recherches (HDR).
Dans quel contexte l'École a-t-elle été créée ?
Nous avons bénéficié d’un contexte favorable tant au niveau national, avec la création de la section 92 dédiée aux sciences infirmières au sein du Conseil national des universités (CNU), qu’au niveau local, au sein de l’université Sorbonne Paris-Nord, où la chaire de recherche en sciences infirmières, adossée au Laboratoire éducations et pratiques de santé (LEPS), existe depuis 2009.
Avec le soutien du président, de la vice-présidente à la recherche, et de la directrice de l’Unité de formation et recherche (UFR), nous avons ainsi pu penser à une solution pour mieux institutionnaliser les sciences infirmières. En parallèle, depuis 2017, l’Etat soutient la création des Écoles universitaires de recherche (EUR), une composante universitaire au même titre que les facultés. Ce modèle nous est apparu intéressant pour notre projet, pour implémenter les sciences infirmières de manière plus concrète au sein de l’Université, ainsi qu’encourager la formation et la recherche pour les deuxième et troisième cycles.
Quels sont les objectifs de l’EUR en sciences infirmières ?Nous nous sommes questionnés sur la façon dont nous pouvions contribuer à l’organisation et au pilotage des sciences infirmières en les structurant scientifiquement et pédagogiquement. Nous avons pris l’option d’orienter notre EUR autour d’une thématique, à savoir la promotion de la santé.
En pratique, nous constatons que les infirmiers, par leur nombre et leur positionnement dans le système de santé, sont de bons professionnels pour participer aux objectifs de cette promotion de la santé. Mais ils y sont peu formés et dans le domaine de la recherche, ce champ est peu travaillé en France tout comme à l’international.
Cette thématique nous permet donc de contextualiser l’EUR, de nous démarquer tout en tenant compte de notre environnement géographique d’implantation. L’école se situe en Seine-Saint-Denis, un territoire particulièrement pauvre, où les vulnérabilités sociales et sanitaires sont prégnantes avec d'importantes inégalités d’accès aux soins. Cela démontre l’utilité sociale de notre champ de recherche.
Enfin, nous souhaitons participer à des consortiums de recherches et de formations internationales. Nous avons d’ailleurs été intégrés au Secrétariat international des infirmières et des infirmiers de l'espace francophone (SIDIIEF).
A terme, l’EUR pourrait développer davantage de liens avec les soins.
Je pense que le statut bi-appartenant (recherche et clinique) va se construire mais nous devons créer les conditions optimales de ce modèle propre à notre filière. C’est un enjeu pour questionner et redonner au terrain les découvertes de la recherche. Car les sciences infirmières doivent se fixer pour objectif de trouver des solutions au service des professionnels, des infirmiers et des patients. Il faut les connecter aux soins.
Il existe plusieurs moyens d’intégrer l’école.
Tout d’abord via les Master. Nous portons les diplômes d’Etat des infirmières en pratique avancée (IPA) pour les mentions maladies chroniques stabilisées, urgence et santé mentale.
Nous portons aussi la Mastérisation des cadres de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) avec deux Master en santé publique déclinés pour l’Institut de formation des cadres de santé (IFCS) avec l’un sur l’ingénierie des formations en santé et l’autre sur la qualité et la sécurité des parcours de soins.
Enfin, nous proposons un Master recherche et innovation en soins.
Nous avons par ailleurs une offre de formation au niveau doctoral. Les candidats doivent déposer leur candidature à l’EUR en répondant aux contrats fléchés de nos écoles doctorales ou via une candidature spontanée (CV et lettre de motivation). Pour les doctorats, nous privilégions une question de recherche : « comment les sciences infirmières peuvent-elles apporter des réponses aux besoins de la population, en particulier en Seine-Saint-Denis ? »
Elle se décline en trois thèmes : la théorie et le modèle des sciences infirmières visant à soutenir le développement des compétences et des aptitudes individuelles et collectives ; les interventions infirmières et les environnements favorables à la santé ; la transformation des systèmes de santé, l’autonomie professionnelle et la profession infirmière.
Comment l’école est-elle financée ?Nous sommes financés par des appels à projet accordant des financements pour la recherche, notamment de l’Institut national du cancer (INcA) ou via le Programme hospitalier de recherche infirmière et paramédicale (PHRIP). Nous avons également des financements avec les bourses doctorales fléchées vers notre EUR, des subventions de l’Agence régionale de santé (ARS), du Conseil départemental ou encore un budget pour la formation continue.
Un souhait pour cette journée du 12 mai ?La recherche est un bel objet pour autonomiser la profession. Mon souhait serait donc que la recherche poursuive sa démocratisation pour l’ensemble de la profession et qu’on ne distingue plus le chercheur, du praticien et du clinicien. La recherche doit être intégrée à la pratique.
Propos recueillis par Laure Martin