Parmi ses 15 propositions, augmenter le nombre d’infirmières d’annonce, créer des unités spécifiques aux adolescents, ou encore favoriser le lien avec les centres médico-pychologiques.
Visiblement remontée face aux conditions dans lesquelles le Défenseur des droits sera bientôt rattaché à une institution plus large (lire ci-dessous), Dominique Versini a présenté mardi 26 avril l’ultime rapport thématique de cette autorité indépendante.
Elle formule 15 propositions pour améliorer la prise en charge des enfants et adolescents atteints de cancer. L’idée générale fait écho aux constats dressés par le second plan Cancer (2009-2013) et les Etats généraux organisés par l’Unapecle (Union nationale des associations de parents d'enfants atteints de cancer ou leucémie) en mars 2010 : si les traitements ont permis de réaliser des progrès spectaculaires (la survie à cinq ans est aujourd’hui de l’ordre de 70% en moyenne), beaucoup reste à faire en matière d’accompagnement psychosocial.
Le rapport s’appuie sur une étude commandée au Pr Sophie Tordjman, pédopsychiatre au CHU de Rennes, dans les 30 centres spécialisés en cancérologie pédiatrique reconnus par la SFCE (1). En voici les grandes lignes:
• Renforcer le nombre d’infirmiers d’annonce, de psychologues cliniciens et d’assistantes socio-éducatives. Sylvie Tordjman observe que «16 centres sur 30 n’ont pas encore d’infirmière d’annonce», c’est-à-dire un temps infirmier formalisé, comme le prévoit le dispositif national d’annonce du diagnostic dont la mise en œuvre est prévue « au plus tard pour 2011». Le rapport relève néanmoins que l’annonce est « presque toujours » (dans 25 centres) réalisée avec une infirmière, ces dernières se partageant fréquemment le temps d’annonce.
• Uniformiser les pratiques avec la formalisation d’un protocole personnalisé de soin, signé par les parents et l’enfant doté de discernement. Sophie Tordjman relève un « résultat surprenant » de l’étude : « Près de la moitié des médecins recueille le consentement éclairé de l’enfant ou de l’adolescent et va jusqu’à le faire signer, alors que la plupart des psychologues [et des cadres de santé] pense que le consentement n’a pas été recueilli, et a fortiori signé. » Tout en estimant que l’information à ce sujet pourrait mieux circuler dans les équipes, elle plaide pour « évaluer à distance ce que l’enfant a compris de l’information » qui lui a été délivrée.
• Favoriser une « prise en charge spécifique des adolescents ». Le rapport reprend les orientations du plan Cancer II, et va même au-delà en proposant de « mettre en place dans tous les centres des unités dédiées aux adolescents », citant l’exemple de l’Institut Gustave Roussy (Villejuif, 94) (2) et des structures existant en Grande-Bretagne.
• Impliquer davantage de psychiatres et psychologues. Le Pr Tordjman suggère notamment de « créer un mi-temps de psychologue clinicien dans chaque service du centre SFCE, et un mi-temps de psychiatre formé à l’oncopédiatrie dans un centre médico-psychologique » à proximité. Sur ce thème du lien entre l’hôpital et la ville, elle cite en exemple la prise en charge proposée par l’Espace Bastille à Paris. Selon elle, l’articulation hôpital-CMP pourrait également permettre de prendre en charge les situations difficiles pour les familles, notamment les frères et sœurs.
• Développer de nouvelles stratégies antidouleur, via l’hypnose ou des outils tels la Sensibox créée à Rennes, ou le DVD diffusé par l’association Sparadrap.
• Développer des activités ouvertes sur l’extérieur, favorisant le lien entre les jeunes hospitalisés en cancérologie pédiatrique et ceux suivis dans les autres services, ou en ambulatoire. Ex : la radio-télévision mise en place à Reims.
• En matière d’accompagnement social, Dominique Versini estime que la lutte contre les inégalités d’accès aux soins doit être poursuivie. Elle relève des situations difficiles pour les mères célibataires, par exemple, ou pour les chômeurs non indemnisés, qui ne bénéficient pas de certaines allocations (AJPP (1), congé de solidarité familiale en fin de vie). Le rapport propose aussi d’« instaurer un référent formé et dédié aux traitement des dossiers d’enfants atteints de cancer dans les Caf et les MDPH (2)» afin de réduire les délais.
Elle demande de poursuivre l’effort en matière d’hébergement (« certains parents dorment dans leur voiture » à côté de l’hôpital, déplore-t-elle), notamment en poursuivant l’installation de maisons des parents, portées par les associations.
• Maintenir le lien avec l’école. « Les enseignants détachés sont trop peu nombreux pour les niveaux collège et lycée, et certains postes ne sont pas renouvelés », déplore Dominque Versini. Quant aux Sapad (Services d'assistance pédagogique à domicile), « ils ont en général des budgets pour six mois de fonctionnement». Et les déplacements ne sont pas forcément évidents à prendre en charge en milieu rural.
Texte et photo: Nicolas Cochard
1 - Société française de lutte contre les cancers et les leucémies de l’enfant et de l’adolescent.
2 - En juin 2010, une unité dédiée aux adolescents et jeunes adultes a ouvert à Saint-Louis (AP-HP), pour l’hématologie, mais elle n’est pas citée dans le rapport.
3 - Allocation journalière de présence parentale.
4 - Maisons départementales des personnes handicapées.
La Défenseure mise sur la touche ?
Autorité indépendante créée en 2000, le Défenseur des enfants a pour rôle de « défendre et promouvoir les droits de l’enfant », notamment en recueillant les réclamations et en intervenant auprès des institutions (sociales, médicales, scolaires, judiciaires, etc.). Le 1er mai, elle sera intégrée au nouveau Défenseur des droits, qui regroupera trois autres autorités indépendantes : le Médiateur de la République, la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde) et la Commission nationale de déontologie de la sécurité. Problème, la Défenseure des enfants ne pourra plus être saisie directement (par les enfants ou des adultes), les demandes étant désormais adressées au Défenseur des droits, dont elle deviendra l’un des adjoints.