Shutterstock-Pixel-Shot
Si le Collectif des infirmiers libéraux en colère, Convergence infirmière et le Sniil ont appelé à une mobilisation le 19 mars, la FNI a adopté une autre stratégie. Le syndicat a publié dans l’ensemble de la presse quotidienne régionale, une lettre ouverte adressée au président de la République ; l’occasion de rappeler les revendications de la profession.
« Nous sommes là pour les Français les plus fragiles ! Et vous, Monsieur le Président de la République, serez-vous là pour nous ? » C’est avec une lettre ouverte que la Fédération nationale des infirmiers (FNI) entend rappeler au gouvernement ses responsabilités vis-à-vis de la profession. « Aujourd’hui, nous sommes dans une situation où il y a urgence à agir », a expliqué Daniel Guillerm, président de la FNI, lors d’une conférence de presse organisée le 18 mars. Pour le moment, le syndicat n’adhère pas à la mobilisation du Collectif des infirmiers libéraux en colère, soutenue par le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) et Convergence infirmière, pour autant, « si nous ne sommes pas entendus par les tutelles, nous userons de tous les moyens pour trouver une voie de passage », a-t-il assuré.
Des injonctions paradoxalesEn cause ? Les nombreuses désillusions auxquelles les infirmières libérales font face depuis la fin de la crise sanitaire. « La profession est aujourd’hui dans cette marmite bouillonnante, en partie parce que les promesses n’ont pas été tenues », a rappelé Daniel Guillerm. Elle n’a bénéficié d’aucune revalorisation dans le cadre du Ségur de la Santé ; face à l’inflation, les efforts des tutelles ne couvrent pas l’augmentation du coût de la vie notamment la hausse du prix du carburant. Quant à la lettre clef, son montant est bloqué depuis 2009. « La profession est enfermée dans un marché prix-volume car à chaque négociation de la valeur de l’acte, l’Assurance maladie nous oppose des volumes qui augmentent, a rapporté Daniel Guillerm. Donc d’un côté les tutelles nous demandent de nous inscrire dans une approche domiciliaire, et de l’autre, nous devons le faire à moyen constant ? Ce n’est pas possible. »
Deux axes de travail
En réponse à son action, la FNI n’entend pas se contenter de déclarations de la part des tutelles. Elle attend des mesures concrètes afin « d’éviter une escalade et une cristallisation du mouvement dans le temps, au risque sinon, d’effets délétères dans un système de santé déjà en tension ». Ses revendications s’organisent en deux volets. Tout d’abord, une juste reconnaissance de la profession avec des mesures autour de la pénibilité du métier, la publication des décrets d’application des textes de lois Rist et Valletoux, la création d’une consultation infirmière pré-vaccinale afin d’asseoir le rôle infirmier dans la prévention ou encore la clarification du rôle des infirmières libérales dans la prise en charge des soins non programmés. La FNI souhaite également une lettre de cadrage qui permettrait d’ouvrir des négociations conventionnelles avec l’Assurance maladie. « Nous souhaitons sortir du marché prix-volume que nous impose l’Assurance maladie aujourd’hui », a insisté Daniel Guillerm. La FNI plaide aussi pour une meilleure valorisation des prises en charge lourdes à domicile et « pour la fin de la course aux indus » menée par les Caisses primaires de l’assurance maladie (Cpam). « Nous entendons négocier avec des arguments crédibles et soutenables financièrement, a prévenu Daniel Guillerm. Si nous ne sommes pas entendus, la FNI ne manque pas d’imagination pour agir. »
Laure Martin
Enquête réalisée en ligne du 11 au 13 mars 2024. Échantillon de 1003 infirmiers libéraux issus d’un fichier fourni par la Fédération Nationale des Infirmiers libéraux (FNI). Enquête Toluna/ Harris Interactive pour la FNI.
65 % DES IDEL INSATISFAITS DE LEUR SITUATION PROFESSIONNELLEHarris Interactive, entreprise de sondage d’opinion, a mené en mars 2024, à la demande de la FNI, une enquête auprès de 1003 infirmiers libéraux (Idel). Il en résulte que 65 % des répondants se disent insatisfaits de leur situation professionnelle. Si aujourd’hui les infirmiers apparaissent satisfaits de leur liberté d’organisation (82 %) et de leur accès aux formations (74 %), ils déclarent être largement insatisfaits de leur niveau de revenus (74 % insatisfaits), de la place des tâches administratives dans leur quotidien (88 %) ou encore de leurs perspectives pour la retraite (97 %). La plupart des Idel déclarent également avoir fait l’objet de plusieurs procédures d’indus avec leur caisse. Près de la moitié d’entre eux estiment que ces procédures sont généralement injustifiées. La prise en compte de la pénibilité du métier d’Idel (97 %) et l’ouverture de négociations tarifaires (97 %) qui amorceront le déblocage de la lettre-clef AMI, apparaissent, à leurs yeux, comme étant les propositions les plus bénéfiques pour la profession. Face à ce mécontentement ambiant, si le dialogue et la cogestion restent plébiscités pour faire valoir les intérêts et la défense de l’avenir de la profession, ils convainquent moins que par le passé. Le recours à la contestation s’affirme davantage comme une alternative efficace pour 32 % d’entre eux. Ils sont 87 % à déclarer être prêts à participer aux actions de blocage et aux manifestations, dont 91 % à des actions locales.