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14/06/2023

La grogne inédite des Idel

Né de la désillusion post-covid, le collectif Infirmiers libéraux en colère s’est fixé comme objectif de porter haut la parole des Idels. Inédit de par sa forme et son mode opératoire, le mouvement, créé en janvier 2023, l’est aussi par sa capacité à rassembler des professionnels usés par leurs conditions de travail.

Parti des Bouches-du-Rhône en décembre 2022, le mouvement s’est répandu comme une traînée de poudre. Aujourd’hui, le collectif « Infirmiers libéraux en colère » rassemble pass moins de 15.000 personnes, et compte des déclinaisons à travers toute la France. « J’ai eu l’information en janvier qu’un petit groupe WhatsApp s’était constitué et était à l’origine d’une pétition dénonçant nos conditions de travail. Une fois en ligne sur le site Change.org[1], celle-ci est devenue virale et, en quelques jours à peine, on s’est retrouvé à 5.000 sur le groupe », s’étonne encore Gaëlle Cannat, co-présidente du collectif. Un élan d’autant plus surprenant qu’il est inédit pour la profession. Peu syndiquées, les Idels montaient jusqu’ici rarement au créneau. « Il y a une certaine méfiance autour des syndicats à qui on reproche de ne pas défendre notre cause. Mais c’est un peu notre faute car les Idels participent peu aux élections professionnelles, analyse Emilie Sehili, responsable du collectif en Ile-de-France. Avec ce collectif asyndical et apolitique, en revanche, les personnes semblent s’y retrouver plus facilement. D’autant qu’il n’y a pas besoin d’y adhérer ».

Sortir de l’ombre

Face à son succès, le mouvement s’est organisé, et une poignée d’antennes régionales ont progressivement vu le jour, chacune étant pilotée par un ou deux administrateurs volontaires qui assurent le relais entre les membres sur le terrain et la coordination nationale. Ceci permet au collectif de s’exprimer d’une seule et même voix. Un impératif pour se faire entendre, estime la responsable du collectif en Occitanie, Laurianne Vermoere. « On n’a pas tous les mêmes façons de travailler selon notre territoire, mais on a tous du mal à boucler nos fins de mois et la sensation d’avoir à fournir beaucoup plus d’efforts qu’avant. » Après une première phase de sondage auprès de ses membres en début d’année, le collectif a pu extraire 9 revendications, réunissant tous les types d’activité : rural, urbain, nursing, technique. Parmi elles, la revalorisation des actes médicaux infirmiers (AMI) à 4 €, le doublement des tarifs de l’indemnité kilométrique (IK), bloquée depuis 9 ans, une retraite à 62 ans avec prise en compte de la pénibilité ou encore le retrait de l’article 102 de la LFSS 2023. « L’idée n’est pas d’aller à la table des négociations. Pour cela, nous avons les syndicats, mais ce que nous voulons, nous, c’est que tout le monde, politiques et grand public, sache ce que nous faisons, dans quelles conditions nous le faisons et à quel point notre rôle est clé pour la société », synthétise Gaëlle Cannat.

Ce n’est qu’un début...

Parallèlement, le collectif organise régulièrement des actions. Participations aux manifestations contre la retraite à 64 ans ou à la Journée de l’infirmière le 12 mai, distribution de tracts, création d’un mini-cercueil qui fait le tour des cabinets libéraux en France… « On cherche à faire le buzz pour que les médias parlent de nous. Terminé d’être des invisibles, on veut faire du bruit et nos actions sont toutes faites dans ce sens-là », avertit Manon Degiorgis, responsable du collectif dans le grand ouest. À force de crier leur colère, les infirmiers libéraux ont récemment obtenu une première victoire : l’ouverture de négociations conventionnelles « flash » avec la CNAM. Celles-ci ont eu lieu le 8 juin 2023, en présence des trois syndicats (FNI, ONSIL, CI). Y a été proposé de généraliser sans conditions le BSI aux patients dépendants de moins de 85 ans à partir d’octobre 2023, mais aussi au choix de revaloriser l’IFD de 10 % ou celle des lettres clé AMI/AMX/TMI de 3 %. Pour trancher, Convergence Infirmière appelle les Idels à s’exprimer via un questionnaire en ligne (https://fr.surveymonkey.com/r/73K7QWL). Mais la bataille ne s’arrête pas là, prévient Gaëlle Cannat, remontée comme jamais : « On rencontre énormément d’élus et de tous les bords. Ça nous a d’ailleurs été reproché. Mais, tant qu’on nous écoute, on est prêt à frapper à toutes les portes », prévient la co-présidente, qui exerce à côté d’Aix-en-Provence (13). De son côté, Emilie Sehili espère convaincre les membres du collectif d’adhérer à l’association nouvellement créée en mars dernier. « Ça me plait de savoir que, par ce biais, notre mouvement va perdurer. À ceux qui pensaient que cela serait un feu de paille, autant être clairs, on va continuer à se mobiliser pour que notre métier continue d’exister. »

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