Les membres du personnel de la maternité parisienne des Bluets, rejoints par quelques mamans ayant accouché dans leur établissement, ont manifesté hier pour réclamer une aide financière aux autorités de tutelle.
« Non, non, non, aux usines à bébés ! » Le slogan a résonné hier haut et fort dans les rues du XIIème arrondissement parisien, scandé par 150 à 200 personnes venues défendre « leur » maternité des Bluets. Personnel de la maternité, appelé à manifester par les syndicat Sud et CGT, membres du collectif « Touche pas aux Bluets », élus de l’Est parisien, jeunes mères venues avec poussettes et pancartes, ou encore “voisins” du comité de soutien à la maternité des Lilas, elle aussi en difficulté… les manifestants ont réclamé une aide financière des autorités pour que la maternité des Bluets puisse faire face à ses difficultés financières - un déficit cumulé de six millions d'euros.
Soutenus par l’association Ambroise Croizat, gestionnaire des Bluets, les manifestants ont dénoncé, rageurs, le manque de soutien de l’ARS à leur établissement. « En dépit des discours bienveillants, des félicitations, même, sur la qualité de l’activité et les efforts consentis, l’ARS refuse de continuer à nous accompagner financièrement… et a même brandi la menace d’une mise sous tutelle ! » ont-ils tonné. Située sur un territoire, l'Est parisien, touché de plein fouet par les restructurations hospitalières, la maternité des Bluets a pourtant augmenté son activité au fil des ans : 3 000 naissances prévues pour 2012, 1000 IVG, 1200 PMA. « Aujourd’hui, l’ARS voudrait que nous augmentions encore l'activité de la maternité, que nous soyons plus rentables… mais ce serait menacer la santé du personnel, mettre en danger les femmes, les enfants - et les pères ! - que nous accompagnons, détruire la philosophie des Bluets », a commenté Habiba, sage-femme.
Non à « la course à la rentabilité »
Un mot aurait pu, en fait, cristalliser la colère des manifestants : T2A. Car la tarification à l’activité fait qu’aujourd’hui, les accouchements les plus naturels sont de moins en moins remboursés. Pas de quoi faire les affaire des Bluets ! Car la maternité est un lieu symbolique, en France, de l’accouchement sans douleur et de l’accompagnement au long cours de la femme, de son enfant à naître - et du père. Aux Bluets, le taux de césarienne est ainsi de quelque 14% quand, dans d'autres maternités, il s'élève à 40% voire plus. Or une césarienne est rémunérée près du double d’un accouchement par voie basse. « Mais on ne va quand même pas provoquer de la pathologie pour être plus rentable ! » s’est emportée Agnès Derceville, sage-femme depuis près de trente ans aux Bluets. De toute façon, a-t-elle rajouté, « nous sommes une maternité de niveau 1, donc une maternité où, par définition, les actes bien côtés financièrement sont moins nombreux qu’ailleurs. »
La manifestation dispersée, une délégation de 12 personnes, qui s’était rendue devant le ministère de la Santé, a été reçue par deux représentants ministériels. « Nous avons été écoutés cordialement, a commenté Virginie Gossez, sage-femme et représentante du syndicat Sud. Mais serons-nous réellement écoutés ? » La syndicaliste est plus que prudente. Comme l’ensemble des manifestants, elle attend un geste de l’ARS.
texte et photo : Emmanuelle Debelleix