La mort tient salon

08/04/2011

La mort tient salon

Du 8 au 10 avril, sous le soleil printanier de Paris se tient, dans le luxueux Carroussel du Louvre, le premier Salon de la mort grand public au monde, foi d'organisateurs. 

« C’est ma mort, je la prépare », résume Jesse Westenholz, co-organisatrice du Salon. Financement, organisation, crémation ou cercueil biodégradable… Pendant trois jours, l’espace du Carroussel du Louvre à Paris accueille la première édition d’un salon dont le thème en déroute plus d’un. Pourtant, nulle crainte le seuil franchi : pas de décorum morbide ni d’hôtesses aux yeux cernés de khôl, on reste entre gens de bonne compagnie.

Des noms qui rassurent
Les organisateurs (également les créateurs de la FIAC et du salon Marjolaine) ont souhaité avec tact placer cet événement sous l’égide d’un comité de pilotage rassurant. On y retrouve donc Régis Aubry, président de l’Observatoire national de la fin de vie, mais aussi des médecins, des psychologues et d’autres spécialistes de renom.

Au stand tenu par la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), son président, le Dr Sylvain Pourchet (Hôpital Paul Brousse, AP-HP), avoue sans mal que lui aussi a dû vaincre quelques réticences avant de se décider à participer à un Salon de la mort. « Mais dès les premiers préparatifs, il y a quelques mois, nous avons senti de la part des organisateurs une très forte écoute des professionnels en soins palliatifs ». Et puis, l’idée de s’adresser directement au grand public a séduit la Sfap. « Les patients ne reçoivent pas les soins qu’ils devraient. Depuis dix ans, les possibilités de prise en charge en soin palliatif se sont décuplées, mais on ne peut pas dire que l’image ait changé. Il est important d’informer le grand public sur les réseaux à domicile, les équipes mobiles de l’hôpital, etc. Dédramatiser et répéter que c’est ouvert à tous, à tout âge. »

S’attend-t-il à croiser des soignants ? « Oui bien sûr ! Déjà, nos adhérents nous ont promis de venir faire un tour… », répond le Dr Pourchet avant de filer donner un dernier coup de main à la mise en place de l’« arbre de vie » (notre photo) sur les feuilles duquel les visiteurs sont invités à écrire des messages d’hommage à un proche disparu.

Craintes pour les soins palliatifs en Ile-de-France
Un peu plus loin, un bel affichage de photos en noir et blanc sur la fin de vie attire le regard. Baptisée « Il est toujours temps… » (projet de l’association les P’tites lumières), l'expo guide le visiteur vers le stand de Respalif, la fédération des réseaux de santé en soins palliatifs d’Ile-de-France. Las, sa chargée de projet Elisabeth Royet ne pensait pas devoir profiter du salon pour diffuser une aussi triste nouvelle : « Depuis le 31 mars notre financement subit une coupe sombre et nous risquons donc très vite de ne plus pouvoir prendre en charge nos patients. » Elle profite donc de l’occasion pour inviter à signer la pétition de soutien.

C’est en effet toute l’expérimentation mise en place en 2007 en Ile-de-France, qui est mise en péril : les libéraux rejoignant la fédération pouvaient bénéficier d’une rémunération spécifique de « 30 euros en plus de la prise en charge classique par l’Assurance maladie (1) pour un acte global. Et, pour des actes non côtés dans la nomenclature, nous avions aussi mis en place une dérogation tarifaire ». Un test grandeur nature pour faire évoluer la nomenclature, mais aussi le regard sur la prise en charge en fin de vie. « On va continuer d’informer les visiteurs de cette possibilité de rester le plus longtemps possible à la maison avec les professionnels auxquels ils sont habitués. Mais cette baisse budgétaire sur les 16 réseaux qui couvrent la région Ile-de-France nous fait craindre pour l’avenir. »

Pas trop de folklore
Dans une autre salle, un homme sous un masque de catcheur vend des chocolats en forme de têtes de mort. « Nous importons ces chocolats du Mexique. La fête des morts, c’est quelque chose de culturel et ça nous paraissait important de présenter nos produits ici », nous explique celui qui se présente sous le nom de Filo Loco. Pas beaucoup d’autres stands aussi originaux que celui-là : des cercueils en carton (biodégradables), des urnes artistiques, des cercueils à roulettes ou des cadres de souvenir numériques, des jardins du souvenir où l’on vous propose de mêler vos cendres aux racines d’un arbre.

Mais aussi, dans une troisième salle, des bornes téléphoniques permettant de tester le « 3123 obsèques », numéro court disponible 24h sur 24 pour aider à s’organiser lors du décès d’un proche, des assureurs proposant des garanties obsèques et des stockages de données numériques. La distinction entre aspect commercial et associatif reste assez facile à opérer. Devant la sortie, des passants vous alpaguent, intrigués par l’affiche : « Mais qu’est-ce qu’il y a dans ce salon ? ». Quel que soit finalement le nombre de visiteurs, le Salon de la mort réussit à faire parler de la grande faucheuse. Objectif atteint.

Texte et photo: Candice Moors

1 - La même somme pour un médecin ou un infirmier.

Jusque dimanche soir, des conférences et des tables rondes sont proposées. Programme complet ici.  
 

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