« La parole peut aider chaque ado à se libérer »

Pourquoi avoir choisi de travailler en psychiatrie ?

J’ai fait une école d’infirmière pour travailler en psychiatrie. J’ai toujours été intéressée par la santé mentale et le soutien psychologique. Aider l’autre par la parole c’est quelque chose qui est en moi et qui est essentiel dans le métier d’IDE. J’ai bien sûr appris la technicité dans ma formation mais aujourd’hui, mon soin est relationnel et passe par les entretiens thérapeutiques. J’ai commencé par la gérontopsychiatrie puis la psychiatrie adulte mais j’avais toujours l’impression d’arriver trop tard dans le parcours des patients. Depuis 2014, je suis des adolescents dans le cadre d’une prise en charge individuelle inscrite au sein du service de consultations de pédopsychiatrie au CH d’Aurillac, établissement où j’ai réalisé l’ensemble de mon parcours.

Qui recevez-vous et quelles sont les situations auxquelles vous êtes confrontée ?

Je suis des jeunes de la 6^e à leur majorité en entretien individuel. Nous sommes à l’hôpital, donc ils viennent toujours accompagnés d’un tuteur ou d’un représentant légal. Je suis confrontée à de multiples situations : les troubles alimentaires, les tensions familiales, les situations de violence et de harcèlement scolaire mais aussi les tentatives de suicide. Dans ce cas, les jeunes viennent souvent après un passage aux urgences. Pourtant, même si les cas sont très contrastés, les jeunes expriment tous un malaise et se posent des questions similaires lors de cette période si particulière qu’est l’adolescence. Parfois, ce sont de simples tourments, et deux à trois séances peuvent suffire. Mais parfois, cela relève d’une réelle problématique psychiatrique avec un accompagnement dans la durée.

Comment a germé l’idée d’un livre et quel message souhaitez-vous faire passer ?

Mon but est de m’adresser aux adolescents et c’est la raison pour laquelle j’emploie le tutoiement. J’ai conçu le livre comme mes entretiens en reprenant les principaux thèmes : la famille, l’amitié, la sexualité, la confiance en soi… Je l’ai pensé comme un guide pratique et simple qui s’adresse à tous les ados. Ce que je veux leur dire, c’est qu’aucune question n’est idiote. Il ne faut pas minimiser l’impact des changements qui surviennent à cette période de la vie et il faut s’autoriser à les verbaliser. Des structures existent, comme les Maisons des adolescents, où des professionnels, comme les infirmières scolaires, sont là pour les écouter et des numéros d’urgence peuvent être déterminants… La parole est vraiment cruciale au même titre que la prévention. Avec la Maison des adolescents d’Aurillac, je fais de la sensibilisation dans les classes de collège sur le harcèlement scolaire. Et depuis la rentrée, j’interviens auprès des étudiants infirmiers en deuxième année sur les entretiens thérapeutiques.

Quels sont les effets de la crise sanitaire sur les adolescents ?

Lors du premier confinement, j’ai maintenu les consultations par téléphone et je n’ai pas trop ressenti d’effets sur les ados. La rentrée 2020 a été beaucoup plus difficile. J’avais beaucoup de jeunes avec des troubles anxieux et des troubles de la conduite alimentaire. Et depuis quelques semaines, je constate davantage de troubles dépressifs. Nous avons un flot de demandes et désormais, il y a deux mois et demi d’attente pour qu’un ado obtienne un rendez-vous contre trois semaines avant la Covid-19.

Propos recueillis par Isabel Soubelet

Avec des mots, préfacé par le D^r Xavier Pommereau, psychiatre et spécialiste de l’adolescence en difficulté, Éditions de la Châtaigneraie, 170 pages, 14,90 €.