07/05/2009

La pénurie d’organes coûte cher

La pénurie d’organes est avant toute chose génératrice de drames humains. Mais elle a également un coût non négligeable en ces temps de pression budgétaire très forte dans les établissements de soin. C’est ce qu’ont démontré plusieurs intervenants du séminaire européen sur les stratégies de lutte contre la pénurie d’organes en Europe, organisé à l’Université Pierre-et-Marie Curie mardi et mercredi.

Prenons l’exemple de l’insuffisance rénale terminale (IRT). Non seulement la transplantation rénale est aujourd’hui reconnue comme étant « le meilleur traitement de l’IRT », a rappelé le Pr Michèle Kessler, chef du service de néphrologie au CHU de Nancy, mais son coût est bien inférieur à celui du traitement alternatif qu’est la dialyse.

Une étude comparative d’une équipe de l’Agence de biomédecine dirigée par Emilie Savoye et portant sur plus de 3.000 patients souffrant d’IRT a montré que les patients restant sous dialyse avaient un risque relatif de décès 2,54 fois supérieur à celui des patients greffés. Or, si le coût moyen annuel d’une dialyse se chiffre à 70.000 euros, la greffe de rein ne revient qu’à 43.000 euros la première année puis 13.000 euros en moyenne par an les années suivantes, indique le Dr Christian Jacquelinet, de l’Agence de biomédecine.

Consentement présumé
Seulement voilà, en France en 2007, on a recensé 2.911 greffes rénales (dont 235 avec donneur vivant) alors même que 6.181 personnes étaient en attente de transplantation rénale au 1er janvier 2007 et que 3.510 nouveaux inscrits ont rejoint la liste d’attente au cours de l’année. Ces chiffres illustrent cruellement la grave pénurie d’organes qui règne en France et qui, pour le seul rein, a coûté la vie à 128 personnes cette année-là.
D’où la nécessité d’en faire toujours plus pour réunir chaque fois que possible toutes les conditions –et elles sont nombreuses- pour que les prélèvements d’organes puis les greffes puissent se dérouler dans les conditions de sécurité et de transparence optimales.

L’un des freins au développement massif de l’activité de greffe en France, qui semble marquer le pas après plusieurs années de croissance, réside dans l’opposition des proches des donneurs potentiels. Aux termes de la loi française, un défunt est présumé consentant au don d’organes dès lors qu’il n’est pas inscrit au registre national des refus. Mais dans les faits, les équipes qui procèdent au prélèvement d’organes recherchent systématiquement auprès de la famille des témoignages de la non opposition du défunt. Reflet de la réalité ou non, le taux de refus des proches consultés se situe autour de 30%. Il arrive même qu’un prélèvement ne soit pas effectué par respect pour l’opposition de la famille à cet acte alors même que le défunt est porteur d’une carte de donneur d’organes.

Des "missionnaires" pour sensibiliser le public
La question du consentement éclairé en matière de don d’organes est donc cruciale, tout comme l’est la manière de faire respecter la volonté des personnes. Dans le cadre des débats censés alimenter les états généraux de la bioéthique en vue de la révision des lois homonymes prévue pour 2010, plusieurs propositions visent donc à sensibiliser le grand public à la question du don d’organes.

Ainsi le Pr Alain Grimfeld, président du Comité consultatif national d’éthique (CCNE), propose-t-il que les jeunes gens soient systématiquement invités à exprimer leur consentement ou leur opposition au don d’organes à l’occasion de la Journée du citoyen, cette journée d’appel et de préparation à la Défense qui a remplacé le service militaire obligatoire. Dans l’esprit du Pr Grimfeld, cette consultation ne devrait se faire qu’au terme d’un long processus de sensibilisation aux thématiques de la vie, de la mort et du don d’organes, effectué dans le cadre de l’enseignement scolaire "dès le plus jeune âge".
Le Pr Christian Cabrol, membre de l’Académie de médecine et ancien chirurgien célèbre pour avoir réalisé la première transplantation cardiaque d’Europe en 1968, suggère lui l’envoi de « missionnaires dans tout le pays pour expliquer au public le don d’organes, son importance et sa simplicité ».

Besoin de "temps médical et paramédical"
Pierre Petitgas, président de France ADOT (Fédération des Associations pour le Don d'organes et de Tissus humains), regrette pour sa part « que la volonté de donner ses organes post-mortem ne soit pas protégée par la loi » au même titre que la volonté d’être inhumé ou de donner son corps à la science, laissant à la famille le loisir de s’opposer au prélèvement d’organes, même si cela contrevient à la volonté du défunt.

Quoi qu’il en soit, « la bonne organisation du prélèvement d’organes repose grandement sur les ressources humaines dédiées », estime le Dr Jacquelinet, et donc sur « le temps médical et paramédical » dégagé pour cela, tant est déterminant « le rôle de l’équipe qui traite avec la famille endeuillée ».

Cécile Almendros

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