Depuis 2000, le tabagisme est intégré progressivement dans le champ des addictions. Une approche globale des dépendances milite pour la prise en charge du tabac.
À force de répéter à l’envi qu’il est désormais interdit du fumer dans les espaces publics, que l’augmentation régulière du prix du paquet de cigarettes a pour effet de diminuer le nombre de fumeurs, on pourrait s’interroger sur l’intérêt d’organiser des congrès de tabacologie et tenter d’améliorer les pratiques… La tabacologie aurait-elle encore toute sa place dans le champ plus large des addictions? se sont faussement questionnés les professionnels de santé réunis à Brest (1) par la Société française de tabacologie.
Les premiers éléments de réponse viennent du marché : la vente de cigarettes en France en septembre 2009 a connu une hausse de 3,9 % par rapport à septembre 2008 (2), comme l’a rappelé le pneumologue Bertrand Dautzenberg. Sur les neuf premiers mois de l’année, + 2,8 % par rapport à la même période de 2008. On peut noter que les ventes se sont stabilisées depuis 2004. Qui dit vente, dit fumeurs…
« Noyaux durs »
Le deuxième élément de réponse pourrait être cette population qui a intéressé le Dr Jean Perriot, pneumophtisiologue au dispensaire Émile-Roux de Clermont-Ferrand : ces fumeurs irréductibles, ces « noyaux durs » des fumeurs récalcitrants auxquels les tabacologues sont souvent confrontés. Selon les études, ils seraient entre 5 et 16 %. À côté des hardcore smokers, « peu convaincus de la toxicité du tabagisme et de leur dépendance », sont identifiés les heavy chronic smokers. Eux tentent d’arrêter en vain et cumulent souvent troubles anxio-dépressifs, bipolaires, schizophrénie, co-addictions… « Une prévention spécifique pour ceux qui risquent de devenir hardcore smokers repose sur une approche bio-psycho-sociale du phénomène, considère ce médecin. L’optimisation de l’aide à l’arrêt des “noyaux durs” impose une stratégie d’intervention cohérente, où le tabacologue doit être référent, et repose sur un travail partenarial. »
Pour le Dr Anne Borgne, addictologue au CHU Jean-Verdier de Bondy, le Plan addictions 2007-2011 est propice à placer le tabac au cœur de la prise en charge addictologique. « Depuis 2000 et la mise en place des unités de coordination en tabacologie, la tabacologie hospitalière s’est particulièrement développée, souligne-t-elle. Le plan gouvernemental organise la prévention et le traitement des addictions dans une globalité incluant le tabac. La tabacologie a tout à gagner à s’inscrire dans cette politique. »
À cette personne soulevant dans la salle que des soignants d’équipes addictologiques considèrent qu’il ne faut pas « embêter » en plus tel patient alcoolique en se préoccupant aussi de sa dépendance au tabac, le Dr Anne Borgne répond : « Une conséquence attendue de notre intégration dans cette politique globale est la prise en compte du tabagisme des patients dont le produit d’appel est différent. Ce qui a pourtant été longtemps négligé. »
Olivier Quarante
1- Le 3e congrès de la Société française de tabacologie s'est tenu à Brest les 26 et 27 novembre derniers.
2- Source : Observatoire français des drogues et des toxicomanies (document ici).
Photo: DR.
L'union fait la prévention
Le réseau Hôpital sans tabac est devenu depuis mai dernier le Réseau des établissements de santé pour la prévention des addictions (Respadd). Présidé par le Dr Anne Borgne, il a notamment pour objectif d’accompagner les établissements dans la prise en charge des conduites addictives. « Deux experts interviennent sur place sur une journée pour expliquer le plan gouvernemental et réaliser un audit local, explique la présidente. Il débouche toujours sur des demandes de formation pour prendre en charge la globalité des produits. »