L’Inspection générale des affaires sociales (Igas) a rendu public, le 5 janvier, son très attendu rapport « Trajectoires pour de nouveaux partages de compétences entre professionnels de santé », dressant notamment un premier bilan sur l’exercice des IPA. La présidente de l’Association nationale française des IPA (Anfipa), Ludivine Videloup, et son vice-président, Jérémie Montauban, analysent son contenu.
Nous sommes très satisfaits de la sortie d’un rapport sur les infirmières en pratique avancée (IPA), car de longue date nous alertons sur les difficultés auxquelles nous sommes confrontés dans le cadre de notre exercice. Par ailleurs, de nombreuses coopérations interprofessionnelles sont mises en œuvre actuellement, nous assistons aussi à une montée en compétences des professions soignantes, mise en exergue par la crise sanitaire. Il est donc indispensable de mener une réflexion sur la structuration des professions de santé comme le suggère l’Igas. D’autant plus en raison du contexte démographique actuel avec un déséquilibre majeur entre l’offre et la demande en soins sur le territoire, le besoin de reconnaissance de toutes les spécialités infirmières et les insécurités juridiques qui y sont liées. Les infirmières accomplissent aujourd’hui des actes qui doivent être cadrés.
Parmi les mesures évoquées par l’Igas, la revalorisation salariale des IPA salariées et libérales, ce qui représente une attente forte de la profession…Tout à fait ! Et bien entendu, il s’agit d’une réflexion que nous soutenons, même si les négociations relèvent de la compétence des syndicats. En libéral, il est aujourd’hui très compliqué pour les IPA de s’installer tout en ayant une activité pérenne. À l’hôpital, les nouvelles grilles salariales soulèvent de nombreuses interrogations concernant la reconnaissance de la profession. Il faut mener une réflexion sur le sujet avec l’ensemble des parties prenantes. D’autant plus que de la question du salaire et du modèle économique dépendent l’attractivité et la pérennité de la profession. Actuellement, lorsqu’elles se renseignent sur le salaire des IPA, les IDE s’interrogent vraiment sur l’intérêt de suivre la formation IPA, qui demande un important investissement professionnel et personnel. Et une fois en poste, les attentes vis-à-vis des IPA sont nombreuses, ce qui n’est pas en adéquation avec le salaire.
Que pensez-vous de la proposition de l’Igas d’élargir le périmètre d’intervention des IPA ?Cela nous paraît essentiel. Il ne faut pas oublier – et le rapport de l’Igas le met bien en évidence – que le patient est au cœur du système. Tout ce que nous souhaitons, c’est une simplification des modèles pour les patients, ce qui repose notamment sur un élargissement du périmètre d’intervention des IPA. Nous aimerions que les patients puissent consulter comme ils le souhaitent une IPA qui travaillerait en lien avec le médecin. Nous parlons bien de l’accès direct aux IPA ainsi que de la possibilité de prescrire. Il faut que leur travail puisse être plus efficient et adapté tout en restant sécurisant. Il est aujourd’hui nécessaire de créer un climat de confiance permettant de démontrer que nous détenons les compétences pour le faire.
L’Igas propose aussi de différencier deux types de pratiques avancées : les IPA spécialisées (statut auquel pourraient prétendre les infirmières anesthésistes) et des IPA praticiennes. Êtes-vous d’accord avec cette proposition ?La mise en place de ces deux voies serait selon nous source de confusion. Le problème, c’est qu’aujourd’hui nous avons l’impression que la pratique avancée est considérée comme l’unique solution à la reconnaissance de l’expertise infirmière en France. Il est vrai que le modèle français des IPA est un mélange entre les infirmières cliniciennes et les infirmières praticiennes, ce qui laisse peu de place à un autre modèle à appliquer aux autres IDE. Je comprends la volonté des infirmières anesthésistes de se voir reconnaître leurs compétences au travers de la pratique avancée, mais il faut faire attention à la façon dont le statut va être identifié. La pratique avancée doit être préservée pour que cela reste clair pour tous, à savoir les patients, les médecins et les autres paramédicaux avec lesquels nous sommes amenés à travailler.
Propos recueillis par Laure Martin
Lire le rapport Trajectoires pour de nouveaux partages de compétences entre professionnels de santé