La présidente de l’Ordre infirmier a démissionné

08/07/2011

La présidente de l’Ordre infirmier a démissionné

Deux ans et demi après son élection, Dominique Le Bœuf évite ainsi l’humiliation d’une probable révocation. Cette page tournée, l’avenir de l’Ordre demeure plus incertain que jamais, entre déficit colossal et velléités ministérielles d’en rendre la cotisation facultative pour les salariés.

Dans un courrier adressé ce vendredi matin aux élus et salariés de l’Ordre national des infirmiers (Oni), Dominique Le Bœuf, a annoncé sa démission des mandats de présidente et de membre du Conseil national de l’instance, avec effet immédiat. Un geste de protestation « solennelle contre le mépris de l’Ordre » dont elle accuse le gouvernement, explique-t-elle. En cause, une lettre de Xavier Bertrand, reçue par Mme Le Bœuf le 30 juin, dans laquelle le ministre de la Santé se prononce pour « une cotisation modique et facultative pour les salariés ».

« Jamais, à ma connaissance, une institution créée par l’Etat pour l’intérêt général n’a été traitée avec ce mépris », s’indigne la présidente démissionnaire. Et de revenir dans son courrier de cinq pages sur les étapes de ce qu’elle semble considérer comme une trahison gouvernementale, tant de la part de l’ex-ministre de la Santé Roselyne Bachelot qui, « en mai 2010, devant l’Assemblée nationale », avait « couvert de son autorité le refus de payer la cotisation » et menacé « de soutenir une proposition de loi de M. Yves Bur visant à réduire virtuellement l’Ordre aux seuls infirmiers libéraux », rendant « ainsi, de facto, le paiement de la cotisation facultatif », que de celle de ses remplaçant avenue de Ségur, Xavier Bertrand et Nora Berra, qui n’ont pas daigné recevoir l’Ordre depuis leur nomination.

Cessation de paiement
L’abaissement de la cotisation de 75 à 30 euros pour les salariés fin mars « aurait dû apaiser les oppositions », considère Mme Le Bœuf, or « il n’en a rien été ». « Aucun signal n’est venu des ministres » visant à « encourager » les infirmiers à cotiser, déplore-t-elle. « En conséquence, la recette par infirmier salarié cotiant a été divisée par 2,5 sans que le nombre de ces cotisants augmente sensiblement, nous promettant donc un déficit plus grave que jamais ». Selon l’Agence de presse médicale, l’Ordre serait d’ailleurs en cessation de paiement depuis le 6 juillet, faisant actuellement le tri dans les factures qu’il règle et ne pouvant plus désormais honorer ses dettes colossales, se chiffrant à plusieurs millions d’euros.

Sous la présidence de David Vasseur, à qui, conformément aux statuts de l’Oni, revient le fauteuil laissé vacance par Mme Le Bœuf, doit ce tenir cet après-midi un conseil national extraordinaire au cours duquel les conseillers nationaux devraient adopter un plan de restructuration draconien, dont on ne sait désormais, s’il suffira à sauver l’instance. Car on se demande quel pourra être le modèle économique d’un Ordre dont les conditions d’existence seraient celles souhaitées par Xavier Bertrand : « des attributions inchangées pour les libéraux » et un recentrage « sur son rôle de représentation de la profession au plan national et international » pour les salariés, devraient permettre, selon le ministre d’ « envisager de maintenir le caractère obligatoire de l’affiliation, laquelle serait, pour les salariés, de nature automatique, avec cotisation facultative ». « Il appartiendrait alors à l’Ordre de se développer au fur et à mesure de la volonté des infirmiers de notre pays », ajoute M. Bertrand.

Boycott de la cotisation par les libéraux?
Outre que cette option créerait un précédent aux répercussions imprévisibles sur les autres professions à ordre, les infirmiers libéraux apprécieront… Le Sniil a déjà réagi vivement à cette perspective et exprimé dans un communiqué daté du 7 juillet, « son refus d’une structure ordinale limitée aux seuls infirmières et infirmiers libéraux », s’indignant de la « main mise de l’Etat sur l’Ordre infirmier, pourtant organisme de droit privé ». « Si le souhait ministériel devenait réalité », prévient le syndicat d’infirmiers libéraux, le Sniil « n’hésiterait pas à prendre ses responsabilités » en appelant « ses adhérents et sympathisants au boycott de la cotisation ordinale ». Et le Sniil de regretter « amèrement que l’Ordre infirmier, institution si prestigieuse dans d’autres pays, soit confronté en France à de si fortes manipulations ». Le syndicat pointe notamment le « gouvernement qui, à la veille d’élections importantes, montre sa volonté de ne plus s’opposer au souhait de certaines grandes centrales syndicales de voir disparaître l’Ordre », mais aussi les « plus hautes instances de l’Ordre qui n’ont pas su ou voulu prendre en considération ce qui se passait sur le terrain ».

De fait, le courrier de démission de Dominique Le Bœuf montre une bien relative remise en cause de son action à la tête de l’Ordre depuis deux ans et demi. « Nous avons je crois, répondu aux vœux de tous les infirmiers qui avaient souhaité la création d’un Ordre dynamique. Nous en avons sans doute surpris d’autres, qui ne s’attendaient pas à tant de compétence mise en œuvre avec enthousiasme, et à tant de réalisations », écrit l’ex-présidente. « Malheureusement, ni l’enthousiasme et le zèle, ni la bonne foi et la rigueur, ni les réalisations de qualité évidente n’auront suffi à désarmer un ensemble d’hostilités coalisées », poursuit-elle.  Des hostilités qui avaient fini par forcer les portes de l’Ordre et se cristalliser autour de la présidente elle-même, puisqu’une seconde motion de défiance à son encontre devait être soumise au vote cet après-midi, selon le souhait de plusieurs conseillers ordinaux…
 
Cécile Almendros

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