En France, près d’un décès sur cinquante est un suicide. A l’occasion des 16èmes Journées nationales de prévention du suicide organisées ce mois ci, les associations tirent une nouvelle fois la sonnette d’alarme, persuadées qu’en matière de prévention, chacun peut avoir un rôle à jouer.
Chaque année en France, plus de 10 000 personnes mettent fin à leurs jours, et 250 000 autres font une tentative de suicide. Le suicide est même la deuxième cause de décès chez les 15-24 ans, après les accidents de la route, et la première cause de décès chez les 25-34 ans. Le constat est cruel, alarmant. « 10 499 morts en 2009… c’est trois fois plus que les accidents de la route » souligne la présidente de l’Union nationale pour la prévention du suicide (UNPS), Thérèse Hannier. Afin d’interpeller opinion et pouvoirs publics, l'UNPS, qui regroupe 35 associations, organise donc ce mois ci la 16ème édition des Journées nationales de prévention du suicide, Au programme : des rencontres et des conférences, dans plusieurs villes du pays, sur le thème « régions, territoires et proximités dans la prévention du suicide, tous citoyens et acteurs. »
« En milieu hospitalier, sur son lieu de vie, à l’école, en prison, sur son lieu de travail… Où que l’on soit, chacun a un rôle à jouer en matière de prévention du suicide », estime en effet Thérèse Hannier. Comment déceler les signes avant-coureurs du geste fatal ? Comment repérer une parole ou un comportement révélateur de la souffrance d'une personne ? « C’est infiniment difficile, reconnaît la présidente de l’UNPS… Il n’y a pas de recette toute faite. La prévention est d'abord une question de relation humaine »
Un premier Programme national d’actions contre le suicide
Pour complexe que soit le repérage de la souffrance d’autrui, une politique de prévention active peut aider à faire reculer les chiffres du suicide, souligne Thérèse Hannier, qui salue l'adoption d'un Programme national d'actions contre le suicide 2011-2014, présenté en septembre dernier par le gouvernement. Réclamé depuis plusieurs années par les associations, ce premier programme interministériel comporte 49 mesures, regroupées en six axes, visant notamment au développement de la prévention et à l'amélioration de la prise en charge des conduites suicidaires. Parmi les mesures proposées : la formation des professionnels de santé, et la sensibilisation au repérage des signaux de détresse par les enseignants. Autre point : une attention particulière prêtée aux populations jugées plus vulnérables – personnes sans emploi, agriculteurs, personnes âgées… « C’est un plan qui va dans le bon sens », insiste Thérèse Hannier, qui fait cependant remarquer que « son budget (15 millions d’euros) reste trente fois inférieur à celui de la sécurité routière. »
« Il faut travailler en réseau »
Que chacun ait un rôle à jouer en matière de prévention du suicide, Matthieu Lustman, médecin généraliste et sociologue, en est lui aussi persuadé. « Mais chacun à sa place », insiste-t-il. « Qu’un professeur soit formé à apprendre à repérer la souffrance chez ses élèves, c’est essentiel, explique-t-il, mais cela ne suffit pas. Il faut qu’il puisse passer la main. Notamment aux professionnels de santé. » Cela implique, poursuit Matthieu Lustman, « que les professionnels de santé soient eux aussi formés, et apprennent à mieux travailler ensemble. » En la matière, beaucoup reste à faire. « La prévention du suicide un travail en réseau. Mais la collaboration, le partage d’informations, de regards, entre professionnels soignants, notamment entre médecins généralistes et psychiatres, est encore peu développé » regrette-t-il. « Et ce, alors même que 70% des personnes qui ont fait une tentative de suicide ont consulté un médecin ou un psychiatre dans le mois précédent », souligne le praticien.
Emmanuelle Debelleix
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