Dépistage et prévention des troubles, promotion des compétences psychosociales… Le dernier congrès de la Société française de santé publique a mis en valeur (entre autres) des actions menées auprès des enfants scolarisés.
Ne faudrait-il pas parler de «santé scolaire» plutôt que de «médecine scolaire»? Le choix des mots n’est pas anodin, ont fait remarquer plusieurs acteurs de terrain au congrès de la SFSP. L’articulation entre temps scolaire et vie extérieure à l’établissement a été au cœur des débats.
Quelle meilleure illustration que l’enquête menée au Canada, en 2006, auprès d’enfants de 5 ans des écoles publiques de Montréal ? Il s’agissait d’évaluer leur «maturité scolaire», autrement dit d’observer leur niveau de développement et leurs capacités pour bénéficier des apprentissages scolaires. «Nous voulions déterminer quels étaient les enfants vulnérables, c’est-à-dire susceptibles de rencontrer des difficultés pendant leur parcours scolaire», explique Sylvie Lavoie, de l’Agence de la santé et des services sociaux de Montréal.
Si le travail statistique mené auprès de ces 10 500 enfants québécois représente déjà un intérêt certain, on peut noter que l’enquête a servi de base à une large démarche de mobilisation sociale. Croisés avec d’autres données sociologiques (niveau de revenus par exemple), ces éléments ont permis aux initiateurs d’aller à la rencontre des acteurs de terrain et les familles. L’idée ? Que chaque «communauté» s’empare des questions soulevées par l’enquête et imagine les solutions les plus adaptées localement. «Nous avons aujourd’hui un éventail de solutions bâties par micro-territoires grâce à l’expertise des parents et des acteurs de terrain», souligne Sylvie Lavoie.
Trop de cloisonnement!
Une approche bien différente d’une problématique française qui, comme l’a remarqué un enseignant, fait se juxtaposer divers acteurs: la protection maternelle et infantile (PMI), le personnel de santé scolaire ou encore les enseignants… Un peu plus tard, la présentation par Claude Laguillaume de l’action menée par l’Atelier santé-ville de Gentilly (Hauts-de-Seine) a prolongé cette réflexion. Lieu de coordination locale de tous les acteurs de santé, et qui travaille en lien très étroit avec le centre municipal de santé, cette instance a organisé le dépistage des enfants des écoles maternelles et primaires de la ville. « En clair, l’action a pallié [certaines insuffisances de] la médecine scolaire », a affirmé l’intervenant.
Des troubles de la vue, de l'audition et du langage ont été diagnostiqués chez 30% des enfants en moyenne (28% pour l’audition, 35% pour le langage et 27% pour la vue). «Nous constatons un recoupement plus que significatif entre les difficultés scolaires et les troubles dépistés», remarque Claude Laguillaume. Preuve du cloisonnement regretté par de nombreux participants à cette session, la médecine scolaire n’a pas connaissance des résultats individuels, à la demande des parents inquiets d’une stigmatisation de leur enfant. Difficile dans ces conditions d’organiser le suivi de ces enfants.
Olivier Quarante
1- Le congrès avait eu lieu à Nantes du 1er au 3 octobre 2009.
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L'accent mis sur les compétences
« Il est possible de promouvoir la santé des enfants en s’appuyant sur le développement de dix compétences psychosociales définies par l’OMS », a plaidé, au cours d'une autre conférence, Marie-Odile Williamson, infirmière, chargée de mission au Credeps de Nantes. Engagé depuis huit ans dans le cadre du Programme régional de santé publique des Pays de la Loire, le dispositif «En santé à l’école» vise à accompagner sur deux années scolaires successives des enfants (du CE1 à la cinquième) à raison de six à dix séances par an.
En pratique, une quinzaine de représentants de huit associations interviennent dans les classes, en présence de l’enseignant, pour susciter la participation et la créativité des enfants au moyen d’outils pédagogiques adaptés à leur maturité. «Le développement des compétences psychosociales, comme avoir conscience de soi, gérer son stress et ses émotions, communiquer, savoir résoudre des problèmes ou encore développer une pensée créative et critique, peuvent aider à faire face aux événements de la vie», explique Marie-Odile Williamson (1).
Un travail méthodologique important est effectué pour veiller au bon déroulement et à la réussite du projet. Le travail avec le responsable de l’établissement scolaire, les infirmières scolaires et les enseignants est jugé indispensable par les promoteurs du dispositif. «Un des objectifs est bien de transférer cette démarche à la communauté éducative, précise l’infirmière. Nous avons constaté combien les préoccupations des enseignants et celles des professionnels de santé peuvent se rejoindre autour d’un socle commun de compétences.»
O. Q.
1- Voici la liste de ces dix compétences, qui sont souvent présentées par couples :
a. Savoir résoudre les problèmes, savoir prendre des décisions,
b. Avoir une pensée créative, avoir une pensée critique,
c. Savoir communiquer efficacement, être habile dans ses relations interpersonnelles,
d. Avoir conscience de soi, avoir de l’empathie pour les autres,
e. Savoir gérer son stress, savoir gérer ses émotions. "
Source: Life skills education in schools, OMS, Genève (Suisse, 1993). Disponible ici.