La voile, merveilleux outil de soin pour se remettre à flot

Au départ, c’est l’histoire d’une bande de copains soignants, Marine Crest-Guilluy, médecin généraliste et Jean-Baptiste Bourlard, masseur-kinésithérapeute-ostéopathe, en tête, qui pratiquent la voile. « Au quotidien, nous sommes tous à flux tendus, pas forcément en burn-out mais potentiellement nous savons que cela peut nous arriver, souligne Marine Crest-Guilly, la présidente. Or après une sortie en mer, on ressent vraiment les bienfaits physiques et psychologiques. Nous avons donc voulu faire profiter les soignants des vertus thérapeutiques prouvées de la voile. Et puis c’est très rentable en termes de temps, il suffit de passer quelques heures en mer. » Parrainée par le skipper professionnel Christopher Pratt, l’association s’est fixé trois objectifs majeurs : prendre soin des soignants car « Un soignant qui va bien, ce sont dix soignés qui vont encore mieux », amener les soignants à prendre soin d’eux-mêmes avec « Un spi pas un psy », et récréer du lien entre tous les soignants car ils sont « Tous dans le même bateau ». Un beau programme, soutenu par la Société Nautique de Marseille (SNM), la Région Sud Paca et de nombreux partenaires. 

Au départ, l’événement phare annuel proposé par l’association se déroule pendant plusieurs jours avec une régate (21 bateaux environ avec au moins un soignant à bord), un colloque, et deux soirées, l’une festive, l’autre caritative. La 3^e édition se déroulera les 30 juin, 1er et 2 juillet 2023. Ouverte à tout le monde, soignants et non soignants, elle permet de partager, d’échanger sur terre et en mer en tant qu’individu, sans la lourdeur du cadre professionnel, et de laisser, une fois sur l’eau, ses soucis à terre. Une réelle bouffée d’oxygène et un lâcher prise garanti. « Cet événement corporate est l’occasion d’expliquer en quoi la voile est un merveilleux outil de soin, préventif et thérapeutique, et de faire de la prévention sur le risque de burn-out des soignants », poursuit la présidente. Face à la demande croissante, le bureau a très vite mis en place le parcours Guérir en Mer (GEM) réservé exclusivement à une trentaine (pour des questions de logistique) de soignants libéraux ou hospitaliers qui ne vont pas bien. Ces derniers, repérés par l’association Med’Aide ⁽¹⁾, venus par le bouche à oreille ou grâce aux réseaux sociaux, remplissent un questionnaire d’évaluation du burn-out. S’ils sont retenus, ils viennent autant qu’ils le souhaitent en fonction de leurs disponibilités et sans prérequis en matière de voile. Le parcours GEM comprend six sorties en mer et plusieurs conférences (sur la période hivernale où la navigation est moins aisée) avant de se retrouver tous ensemble pour la régate. Lors de chaque sortie en mer, tout l’écosystème s’engage. Les propriétaires prêtent leur bateau, les skippers, rarement des soignants, sont assistés de bénévoles qui endossent le rôle d’équipier afin que les bateaux tournent en toute sécurité.

© Guérir en mer - Cécile Gleize, infirmière (à l'avant du bateau) lors de la sortie en mer le 1er octobre 2022.

Médecin, kinésithérapeute, pharmacien, orthophoniste, pédopsychiatre, psychiatre et infirmier, la profession la plus représentée, sont venus s’y frotter. « Nous avons monté l’association avant la crise Covid mais aujourd’hui, nous sommes vraiment confrontés à ses conséquences, ajoute Marine Crest-Guilluy. Les demandes sont croissantes et les infirmières très nombreuses depuis le début. » C’est le cas de Cécile Gleize, infirmière diplômée en 1995, en poste depuis dix ans en pédopsychiatrie au Centre Hospitalier de Digne-Les-Bains (Alpes de Haute-Provence). « Après le Covid, j’ai ressenti une grande fatigue et un manque d’énergie, j’étais un peu désabusée, témoigne-t-elle. J’ai découvert l’association grâce à une collègue qui pratiquait la voile, mais au départ, pour moi, c’était un univers inconnu voire hostile. Lors de la première régate, j’ai tout de suite ressenti un certain bien-être. Nous étions sur un mode compétition et j’avais l’impression d’être au bloc opératoire avec le capitaine du bateau, et chaque équipier à son poste avec une tâche précise à effectuer. Mais dans l’équipage, sur le bateau, le médecin est une personne comme les autres. On respecte la hiérarchie de l’équipage mais celle des professionnels du soin n’existe plus. La dynamique de l’équipage, c’est une dynamique de groupe qui est bienveillante. J’étais dans le partage, avec de nouvelles personnes, confirmées ou débutantes en voile, au milieu de l’immensité et en dehors de tout cadre professionnel. Cela vide vraiment la tête et c’est très apaisant. » Aujourd’hui, Cécile Gleize se sent plus légère. Comme les années précédentes, elle participera dans quelques mois à la régate 2023 avec deux autres infirmières du même établissement. Elle reste vigilante et estime « qu’il faut que le prendre soin des soignants s’installe et devienne pérenne, nous ne sommes pas que des héros ! »

Isabel Soubelet

1- https://medaide.urps-ml-paca.org.

Pour s’inscrire à la régate de 2023 : https://guerirenmer.com/