« Le cancer n'est pas assez abordé au théâtre »

Espaceinfirmier.com: Comment un homme en vient-il à écrire une pièce sur le cancer du sein ?

Alain Tronchot : L'idée a germé lors des forums de soignants auxquels j'ai assisté pour L'Infirmière Magazine, et où des patients étaient invités. Les soignants étaient confrontés aux témoignages des personnes malades. Certaines professionnelles m'ont confié qu'il était difficile de soigner quand il y a un processus d'identification qui s'est créé avec une patiente du même âge, atteinte d'une pathologie qu'elles pourraient avoir elles-aussi. Elles oscillent entre une attitude empathique et le besoin de se réfugier derrière la technique. Avec le personnage du médecin, l'incarnation du soignant, j'ai voulu décrire cette distance qui s'établit, parfois. Quant au 3e personnage, « une autre femme », elle est née des témoignages des patientes atteintes d'un cancer du sein, qui est un cancer un peu emblématique pour les femmes. Elles font face à la maladie, à ses conséquences, mais aussi aux fantasmes qu'elle suscite chez les proches. L' « autre femme » est la voix de Marie, une concession sociale et ce qu'elle imagine que ses proches pensent.

Comment êtes-vous parvenu à approcher le ressenti de Marie ?

J'ai recueilli une quarantaine de témoignages, en grande partie issus de mes années à L'Infirmière Magazine. J'ai aussi sollicité des femmes sur les forums en ligne. Marie est un personnage composite. Les anecdotes sont issues de ces témoignages mais elles ne sont pas vraies, puisque racontées avec mon ressenti, celui d'une personne qui n'est pas malade. Je me suis davantage placé sur le point de vue d'un proche. Je n'ai pas voulu raconter une histoire ; d'ailleurs, la pièce n'est pas chronologique mais davantage impressionniste. Il s'agit plutôt de montrer le lien entre une personne isolée, confrontée à une maladie pas comme les autres, à un cancer pas comme les autres, et une personne qui n'est pas malade. Les proches qui l'ont vécu et qui ont lu la pièce ont eu une impression d'authenticité, sans doute plus que les malades eux-mêmes. C'est aussi une pièce pour les soignants ; je suis d'ailleurs en discussion avec plusieurs centres de lutte contre le cancer.

Qu'avez-vous voulu dire à travers cette pièce ?

À travers la maladie, j'aborde le thème de la relation au temps, de l'héritage, de la mémoire. J'ai voulu montrer à quel point tout est bouleversé quand on est malade. Beaucoup de femmes ont confessé s'être interrogées sur leur passé, leur famille, la relation avec leur mère. Elles se demandent pourquoi elles sont tombées malades, ce qu'elles ont fait. La question de l'identité se pose également quand on a subi plusieurs opérations. Le cancer est un thème qui n'est pas assez abordé au théâtre, alors que dans la vie quotidienne, il touche tout le monde.

Propos recueillis par Aveline Marques



Adieux, mort prochaine, d'Alain Tronchot. Avec Marie-Émilie Michel (Marie), Lisbeth Wagner (Une autre femme) et Céline Spang (Dr Claire Bazaine).
Les samedi 9, dimanche 10, mercredi 13, jeudi 14, samedi 16, dimanche 17, jeudi 21, vendredi 22, samedi 23 et dimanche 24 mars, à 20h30, au Théâtre du Temps. 9, rue du Morvan, à Paris (11e).
Location: 01 43 55 10 88
Tarifs: 16 €, 12 € (étudiants, chômeurs, habitants du XIe, seniors, groupes d’au moins 6 personnes), 10 € (soignants), 8 € (moins de 15 ans, personnes handicapées).

GAGNEZ DEUX INVITATIONS pour les représentations du jeudi 14, du dimanche 17, du jeudi 21 ou du dimanche 24, en mentionnant "Espaceinfirmier.com" lors de la réservation (quatre premiers appels).