Le don du sang, résolument citoyen et non marchand

14/06/2011

Le don du sang, résolument citoyen et non marchand

En ce 14 juin, l’Etablissement français du sang entend « remercier les donneurs » sans qui l’autosuffisance française en produits sanguins labiles serait compromise. Un équilibre fragile, à défendre.

A l’occasion de la 8e Journée mondiale des donneurs de sang, ce mardi 14 juin, l’Etablissement français du sang (EFS) entend sensibiliser le public à la défense du modèle français de transfusion sanguine, fondé sur le don éthique. Un « choix de société » qui consiste à refuser la marchandisation du don de sang, a rappelé le Pr Gérard Tobelem, président de l’EFS lors d’une conférence de presse le 7 juin. « Tous les pays d’Europe n’ont pas fait ce choix », a-t-il ajouté, affirmant même que « dans le monde, une majorité des produits sanguins est issue de dons non éthiques ». Pour respecter ce strict cahier des charges, l’EFS n’a pas d’autre choix de que de viser au maintien de « l’autosuffisance en produits sanguins labiles » car, a expliqué le Pr Tobelem, en cas de crise sanitaire majeure, à l’image de celle que connaît actuellement l’Allemagne (1) avec l’épidémie de contamination par la bactérie ECEH, la France pourrait se voir dans l’obligation d’importer exceptionnellement du sang et « nous serions alors à la merci des marchands de sang », a prévenu cet hématologiste de formation, car « il existe un cours mondial du plasma comme il existe un cours mondial du pétrole », a-t-il observé.

« Reconquérir le centre-ville » et fidéliser
En France, les besoins en produits sanguins ont augmenté en dix ans de 22%, selon l’EFS. En l’absence de produits substitutifs, il n’existe pas actuellement de thérapeutique alternative en la matière. L’augmentation des pathologies nécessitant un apport sanguin comme des malades (2) place l’EFS, établissement public en situation de monopole, face à un triple défi, a exposé son président : autosuffisance, sécurité et excellence, les trois intimement liés, a-t-il jugé.

L’autosuffisance passe par le recrutement et la fidélisation de nouveaux donneurs chaque année. Le public jeune représente en particulier un enjeu majeur pour l’avenir de l’EFS. Mais il s’agit aussi pour l’établissement public de modifier progressivement l’organisation de ses collectes. Historiquement, a rappelé le Pr Tobelem, le don de sang en France était un « don ouvrier ». Dans les années 1950 et 1960, la collecte était largement rurale et majoritairement mobile, se faisant à la sortie des usines, sous les préaux d’école, etc. « Aujourd’hui, dans une France urbaine, nous devons reconquérir le centre-ville, le cœur de la cité, nous mettre sur le passage des éventuels donneurs », a plaidé le président de l’EFS. D’où l’idée d’implanter des « Maisons du don » dans les quartiers commerçants des métropoles françaises (3). Ces bâtiments en dur, pérennes, ont pour objectif d’offrir un accueil sécurisé et agréable au public, avec l’espoir de le fidéliser.

Sécurité et confiance
Par ailleurs, « nous sommes l’une des organisations qui a le plus grand nombre de données individuelles sur le plus grand nombre d’individus, ce qui nous vaut d’être très surveillés par la Cnil », a observé le Pr Tobelem. Cette obligation de sécurité informatique, tout comme les Maisons du don, représentent pour l’EFS un coût et fait l’objet d’investissements. Mais c’est à ce prix que l’établissement public espère maintenir la relation de confiance avec le public, nécessaire au maintien de l’autosuffisance française en produits sanguins labiles, laquelle serait à son tour la meilleure garante de la conservation du modèle de gratuité du don. La révision des lois de bioéthiques actuellement en cours au Parlement réaffirme d’ailleurs « la non-marchandisation des tissus humains de façon forte et transpolitique », s’est félicité le président de l’EFS, pour qui le danger pourrait, à l’avenir, venir de l’Union européenne, via une éventuelle obligation de transposition de directive en droit français. « Nous restons très vigilants, extrêmement mobilisés », a-t-il affirmé.  

D’où l’importance de réussir à mobiliser les donneurs en cette journée mondiale, déterminante pour passer l’été avec des stocks suffisants (4) !

Cécile Almendros


1– L’organisation de la transfusion sanguine en Allemagne est mixte. En effet, deux systèmes coexistent : d’une part le don éthique, volontaire et gratuit et d’autre part un don rémunéré géré par des sociétés privées.
2– En 2011, par exemple, l’EFS doit « produire » +10% de plasma destinés aux médicaments dérivés du sang par rapport à l’an dernier.
3– Quelques-unes sont déjà ouvertes, comme à Lille (plus grand lieu fixe dédié au don de sang d’Europe avec 35 fauteuils), Rouen ou encore à La Réunion, où la collecte s’était interrompue pendant un an et demi à cause de l’épidémie de Chikungunya. Une Maison du don doit ouvrir à Aix-en-Provence dans les prochaines semaines. A terme, Paris en aura deux, une rive gauche et une rive droite. L’objectif est de doter, d’ici 2014, toutes les villes de France de plus de 100 000 à 150 000 habitants d’une Maison du don.
4– La saison estivale correspond logiquement chaque année à une baisse du volume des dons que les quelque 30 000 poches de sang collectées en moyenne à l’occasion d’une journée mondiale permettent de compenser, la durée de « vie » des produits sanguins étant de 42 jours pour les globules, deux ans pour le plasma et cinq jours pour les plaquettes.

 


Le don du sang en chiffres

  • 1,7 million de donneurs en 2010, dont 360 000 nouveaux
  • 3 millions de dons réalisés en 2010
  • 1 million de malades soignés chaque année grâce au don
  • 10 000 dons nécessaires chaque jour pour couvrir les besoins
  • 75 000 saignées par an sur les personnes souffrant d’hémochromatose

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