A l’occasion du lancement expérimental du dossier médical personnel, les associations d’usagers de santé et le Conseil national de l’ordre des médecins se font entendre. Ils souhaitent notamment davantage de transparence et de cohérence dans l’informatisation des systèmes la santé.
Coordination renforcée, qualité et sécurité des soins accrues… l’intérêt du dossier médical personnel (DMP) semble aujourd’hui faire l’unanimité. Pour autant, le chemin de sa création ne fut pas un long fleuve tranquille, comme l’a rappelé Christian Saout, président du Collectif interassociatif sur la santé (Ciss), le 5 janvier dernier lors du lancement officiel de l’expérimentation à grande échelle du dispositif. Avant de dégager les enjeux à venir, M. Saout a souligné que le DMP testé aujourd’hui devait beaucoup à l’action des associations d’usagers.
« Nous avons, a-t-il dit, bataillé pour que le DMP ne soit pas un outil de régulation économique de la dépense de santé comme cela était prévu au départ, avec par exemple la mise en place de pénalités sur le taux de remboursement des actes si le patient ne présentait pas son DMP. Le fait qu’il ait perdu son caractère obligatoire pour devenir facultatif est évidemment un élément déterminant de son acceptabilité sociale. Je suis satisfait que nous ayons eu cette demande et content que nous ayons été critiqués pour l’avoir formulée… »
Le Ciss rappelle également qu’il a porté la revendication d’un numéro spécifique attaché à chaque dossier, différent de celui de la sécurité sociale, afin d’éviter tout risque de connexion avec d’autres fichiers et qu’il a été suivi en cela par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). Le « droit à l’oubli » et le « droit au masquage », à savoir la possibilité pour l’usager d’effacer ou de cacher tout ou partie des données contenues dans son DMP, est aussi une avancée notable gagnée par les associations.
Par ailleurs, en obtenant l’instauration du droit d’accès aux traces, les usagers pourront savoir quel professionnel de santé a accédé au DMP, les données qui ont été consultées, modifiées et ajoutées. « Nous considérions indispensable que le patient contrôle l’usage des données de santé par les tiers auxquels il aurait autorisé l’accès de son DMP », a expliqué Christian Saout.
Une nécessité démocratique
Dans la même veine, Jacques Lucas, vice-président du Conseil national de l'Ordre des médecins (Cnom) a insisté sur le fait « qu’il ne faudrait pas que nous soyons submergé par la technique et la technicisation de la société, où nous en viendrions à oublier au nom de la prouesse technique, y compris dans le partage des informations et des échanges, que le secret qui s’attache aux données personnelles et particulièrement aux données personnelles de santé fondent les sociétés de liberté ». Le Cnom souhaite aussi que soient définies les modalités d’une gouvernance rénovée en matière des systèmes de santé afin de faire émerger une cohérence d’ensemble et permettre un déploiement des différents projets selon des objectifs nationaux cohérents et réalistes déterminés par la puissance publique mais aussi par les professionnels de santé et naturellement par les usagers.
Dans ce contexte, le Ciss plaide d’ailleurs pour la création d’un conseil national stratégique de l’informatisation du système de santé. « Pour l’instant, aucune feuille de route n’existe dans le domaine. Or, savoir où l’on va est une nécessité démocratique. Ainsi, nous ne sommes pas certains que l’agrément des hébergeurs de données doive rester du ressort d’une commission de l’Asip-Santé. A notre avis, il devrait être du ressort de la Cnil », a ajouté Christian Saout. Respectivement président et vice-président du conseil d’éthique et déontologique de l’Asip-Santé (1), agence chargée de l’élaboration et du déploiement du DMP, Jacques Lucas et Christian Saout ont regretté que l’installation tardive de cette instance, en juin 2010, retarde la production d’un guide du consentement à l’informatisation du DMP et du consentement à l’usage des données personnelles.
« La confiance s’est installée, a conclu le président du Ciss, elle est précieuse, mais elle reste fragile. De notre point de vue, elle doit se renforcer pour le bien commun de tous. »
Texte et photo: Françoise Vlaemÿnck
1 - Agence des systèmes d'information partagés de santé.