© V. M.
Alors que du 31 octobre au 12 novembre se déroulait la Cop26, la 6e édition du guide du C2DS « L’hôpital agit pour la planète » a paru. Véronique Molières, sa directrice, rappelle les enjeux de la décarbonation du secteur de la santé.
Quelles sont les nouveautés du guide par rapport à sa première édition de 2009 ?
Les premiers guides (2009, 2010 et 2012) étaient pionniers et généralistes. Ils abordaient le développement durable en traitant les trois piliers que sont le social, l’économie et l’environnement. En 2015, lors de la Cop21 et de la signature de l’Accord de Paris, nous étions focalisés sur la production des gaz à effet de serre des établissements de santé et médico-sociaux, et nous parlions d’empreinte carbone. Dans le guide de 2021, tiré à 2 500 exemplaires, nous sommes clairement sur le thème de la décarbonation du secteur. La question n’est plus de savoir si le sujet est important mais comment agir et quelles actions mettre en place. Le guide permet de montrer des pratiques vertueuses à nos 730 adhérents, à nos partenaires, aux parties prenantes, aux institutionnels, aux syndicats médicaux et paramédicaux.
Comment les établissements s’emparent-ils du sujet en 2021 ?
La volonté d’action des établissements est bien là mais il manque de la gouvernance et des financements. C’est la raison pour laquelle le Comité pour le développement durable en santé (C2DS) propose d’intégrer des critères RSE (responsabilité sociale des entreprises, ndlr) dans le dispositif d’Incitation financière à la qualité (Ifaq) des établissements de santé. En mars, nous avons lancé la Convention hospitalière pour le climat (1) en écho à la Convention citoyenne pour le climat afin d’informer et motiver les adhérents du C2DS. Nous avons mis en place deux speed datings par mois d’une durée heure avec trois à quatre établissements qui viennent présenter leurs actions et, en général, une quinzaine de sites se connectent à chaque fois avec des personnes aux profils différents : directeurs, responsables qualité, soignants… L’objectif est de mettre en avant des initiatives duplicables en matière de décarbonation pour un établissement sanitaire ou médico-social. Nous avons regroupé cela sous quatre thèmes : les transports des entrants et sortants (salariés et patients, marchandises et déchets), l’énergie et l’écoconstruction, les achats, et l’écoconception des soins. Pour les soins, cela peut porter sur l’impact écologique d’une prise de sang, la cartographie de l’ensemble des produits utilisés dans un service de maternité ou l’analyse d’un soin d’hygiène et de confort dans le parcours d’un patient avec AVC… Une fois les démarches initiées, le but est que les soignants se questionnent sur leurs pratiques et mettent en place des améliorations. De manière plus générale, pour les établissements, il y a de nombreuses réglementations mais pas d’obligations… Selon notre Observatoire, le bilan des émissions de gaz à effet de serre (Beges), qui existe depuis 2012, a été effectué par 19 % des établissements en 2020 sur un panel de 125, par 33 % en 2019 sur un panel de 250, et par 34 % en 2018.
Les équipes en place ont-elles un intérêt pour ces sujets ?
Les professionnels du secteur de la santé sont traversés par une prise de conscience, comme le reste de la société. Ils sont en première ligne des pathologies qui se développent avec le changement climatique. Le démarrage a été lent car l’hôpital était auréolé de sa mission du soin. Mais désormais, tout comme les autres secteurs, il se doit de fonctionner en respectant la planète. Les exemples que nous recensons depuis de nombreuses années reposent sur les hommes et les femmes, qu’ils soient médecin, infirmier ou cuisinier.
Vous étiez à la Cop26 la semaine dernière. La santé était-elle au cœur des débats ?
La Cop26 permet de voir la dimension planétaire des enjeux du changement climatique mais clairement, la santé n’y avait pas une grande place. Pourtant, les conséquences sont déjà visibles.
Propos recueillis par Isabel Soubelet
1. Lire l’article « C2DS : top départ à la Convention hospitalière pour le climat », sur Espaceinfirmier.fr, le 29/04/2021.
Le poids de la santé dans les émissions de gaz à effet de serre
Selon les dernières estimations du think tank Shift Project, présentées lundi dernier au salon Santexpo, le secteur de la santé représenterait 8 % des émissions de gaz à effet de serre, et non pas 5,1 % selon l’estimation publiée par ce même think tank dans un rapport intermédiaire paru en juin dernier.
Ces 8 % représentent 50 millions de tonnes équivalent CO2 (TeqCO2), dont 85 % émis indirectement. Sachant que la santé représente 9,2 % de l’emploi en France. Selon Laurie Marrauld, maîtresse de conférences à l’École des hautes études en santé publique (EHESP) et membre du Shift Project, citée par AMPnews, « moins de 25 % des établissements de santé ont réalisé leur bilan carbone, alors que c’est obligatoire. Et seuls 17 % ont dressé un bilan carbone complet (selon les trois scopes) ». L’achat de médicaments et de dispositifs médicaux « représente plus de la moitié des émissions. Les transports représentent environ 20 %. Et la construction des bâtiments 9 % », a-t-elle ajouté.
Dans son rapport final à paraître le 25 novembre, le think tank formulera une cinquantaine de propositions, feuille de route de décarbonation spécifique au secteur de la santé.