Infirmier anesthésiste, Jérôme Flandrin a accompagné les équipages des sous-marins nucléaires français pendant une dizaine d'années. De retour dans le civil pour des raisons familiales, il a livré son expérience hors du commun lors du congrès de la Sfar, le 22 septembre.
Engagé au sein du service de santé des forces sous-marines, Jérôme Flandrin vient de passer près de 13 ans de sa carrière militaire à bord des quatre sous-marins nucléaires lanceurs d’engins (SNLE). Ces derniers assurent la mission de dissuasion en mer, en garantissant la possibilité d’exécuter, à tout moment, une frappe nucléaire.
Une escadrille au sein de laquelle travaillent une dizaine d’IADE. « La discrétion absolue du sous-marin implique l’interdiction de toute communication avec l’extérieur. Les soignants à bord sont, de fait, totalement isolés », raconte Jérôme Flandrin. L’équipage du sous-marin doit pouvoir vivre en autonomie, manger et se soigner pendant toute la durée de la patrouille, soit dix semaines.
Un hôpital de 20 m2
Les soins des 110 membres de l’équipage sont assurés par une équipe composée d’un médecin, un IADE et un IDE. Compte-tenu de l’exiguïté du sous-marin, l’ensemble des locaux médicaux de l’hôpital embarqué occupent une surface inférieure à 20 m2. « Le bloc opératoire fait office, au quotidien, de cabinet dentaire, de salle de soins et de consultations, ou encore de pharmacie. En cas de nécessité d’une anesthésie générale, la première mission des infirmiers est de reconfigurer le local en bloc opératoire opérationnel », explique-t-il. Cette reconfiguration du bloc opératoire prend entre 2 et 3 heures : décontamination, préparation et fixation du matériel en raison des mouvements du véhicule… « Le stress est renforcé par l’isolement, il faut avoir tout anticipé. L’IADE est seul face à son domaine de compétences, même s’il travaille sous la responsabilité du médecin », ajoute Jérôme Flandrin.
Pas de gaz anesthésique à bord
Les gaz anesthésiques sont évités en raison de l’atmosphère confinée du sous-marin. En l’absence de fluides centralisés comme dans un hôpital à terre, l’IADE travaille avec de simples bouteilles d’oxygène qui alimentent la station d’anesthésie. Si besoin, il est prévu de recourir à des transfusions de sang total. « Nous disposons des groupes sanguins et des phénotypes de tous les membres de l’équipage », précise-t-il. Le risque anesthésique est cependant limité, l’équipage étant composé d’hommes jeunes et en bonne santé. En moyenne, il faut compter une intervention sous anesthésie pour cinq patrouilles (traumatologie, appendicectomie…).
Le rôle de l’IADE est loin de se limiter à l’anesthésie. Il est en charge des soins infirmiers courants, de l’accueil des urgences, des médicaments, de la radioprotection… Lorsqu’il n’est pas en mer, l’IADE des forces sous-marines s’occupe du conditionnement de l’hôpital embarqué (commandes de médicaments, entretien du matériel) ou encore des visites médicales des membres de l’équipage. Il doit aussi trouver des lieux de stage pour maintenir et développer ses compétences. Une autonomie précieuse, qui exige une grande conscience professionnelle.
Texte et photo: Joëlle Maraschin