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L’occasion de faire un point d’étape et de mettre en lumière les pratiques qui fonctionnent afin que qu’elles puissent être répliquées sur d’autres parties du territoire. Le moment aussi d’aborder divers sujets qui touchent au quotidien des IPA, parmi lesquels le leadership clinique et la gestion de projet.
« Lorsque nous cherchons à sélectionner un candidat IPA et un projet IPA au CHU de Caen, nous nous focalisons à la fois sur la notion de valeur individuelle mais aussi, et c’est là-dessus que nous insistons beaucoup, sur l’implication d’une équipe complète partageant un objectif commun autour d’un projet médical ou paramédical. Autrement dit, nous allons rechercher des qualités individuelles chez cette IPA, capable de faire le lien et de collaborer avec l’ensemble des intervenants autour du patient », fait remarquer Elsa Olivieri, directrice adjointe au CHU de Caen Normandie, à l’occasion d’une table-ronde sur le leadership clinique et la gestion de projet au JNIPA.
Pour la dirigeante, en charge du développement du nouveau métier au sein du CHU, il faut avant tout être impliqué dans son institution et bien la connaître. Il est également indispensable de bien en cerner les enjeux en fonction du territoire sur lequel elle est implantée et d’avoir identifié un besoin précis, tel que la polypathologie, le vieillissement de la population ou encore la psychiatrie, pour ne citer que les plus « classiques ».
ASSOIR UN LEADERSHIP
Pour Lydie Houillon, IPA au sein du service de néphrologie du CHRU de Nancy, le leadership qu’une IPA peut exercer concerne tous les professionnels avec lesquels elle est amenée à collaborer. « En arrivant dans le service, j’ai proposé une réorganisation des prescriptions biologiques car le turn-over des internes était important, livre-t-elle. Puis j’ai organisé, auprès des médecins, des prescriptions connectées afin que tous les patients puissent bénéficier des mêmes bilans sanguins. »
Elle a également exercé une forme de leadership au niveau de la formation des nouveaux infirmiers de l’équipe, avec la création d’un passeport de néphrologie dans cet enseignement. De façon plus transversale, ce leadership s’est également exercé auprès d’infirmières d’un autre service dans lequel ses patients étaient impliqués : « J’ai pris part à la formation des infirmières de chirurgie vasculaire dans le cadre du suivi des montages artério-veineux et des fistules sur des patients hémodialysés, rapporte-t-elle. Je pense aussi à un projet qui tient à cœur aux diététiciennes de notre service. Il s’agit des collations durant les séances de dialyse. C’est un sujet qui a, au début, créé quelques frictions. Donner à manger aux patients pendant les séances de dialyse peut, en effet, induire des chutes de tension, qui paraissaient assez récurrentes à l’équipe. Mais, à long terme, la dialyse peut entraîner de la dénutrition… » Dans ce contexte, il a donc fallu avoir un rôle de leader vis-à-vis de l’équipe médicale, loin d’être convaincue par ce projet de collations.
DES DÉFIS À RELEVER
Lydie Houillon et les diététiciennes se sont appuyées sur la littérature médicale dans leurs échanges avec le médecin. « Et puis la conjoncture nous a un petit peu aidé, confie-t-elle. Pendant la crise Covid, il était interdit de manger dans les lieux publics et par conséquent dans les centres de santé. Les centres qui éventuellement proposaient des collations ont arrêté plusieurs mois durant. À la suite de quoi, des études ont été publiées révélant que la dénutrition à long terme était bien plus délétère que les hypotensions pendant les séances d’hémodialyse. Sur ce constat, j'ai finalement pu convaincre les médecins et les collations ont fini par être mises en place de façon pérenne dans le service. »
Avec le recul, Lydie Houillon nous confie que la plus grande difficulté qu’elle rencontre, est de faire évoluer les mentalités : « il y a souvent de fausses croyances qui viennent de l'équipe, d'une pratique récurrente ou d'une organisation des soins dont il est difficile de se défaire. »
IPA ET CADRE : VERS UN LEADERSHIP COLLABORATIF
Et si l’un des moyens d’assoir le leadership de l’IPA passait par l’appui et la collaboration avec le cadre de santé ? C’est en tout cas ce que met en avant Karine Wach, secrétaire adjointe de l’Association nationale des cadres de Santé (Ancim), cadre supérieure de santé et formatrice à l’institut de formation des cadres de Nancy. Il y a, pour cette professionnelle, des éléments transposables entre la formation cadre et la formation IPA, sur lesquels il est encore difficile de prendre la main : « lorsque j'étais référente pédagogique à l'université de Lorraine, je me suis aperçue que la question du leadership n’était pas abordée. La communication, l'art de persuader et d’être convaincant ne font pas partie des aspects évoqués au cours de leur formation. » Quand elles reviennent dans leur service après deux ans de formation, les IPA peuvent rencontrer des difficultés à ce niveau-là. Or, ce sont des aspects superposables à la formation cadre. L'idée un peu futuriste à laquelle croit Karine Wach est de travailler de façon conjointe avec la formation cadre pour proposer des éléments de contenu qui favoriseraient l'implantation des IPA. Saisir le leadership est positif mais l'exercice sur le terrain se révèle toujours un peu plus compliqué.
« Nous l’avons largement abordé dans d’autres ateliers : la collaboration entre l’IPA et le cadre est essentielle. Le cadre détient davantage les clés et les outils. Il s’agit d’un élément structurant pour les IPA, qui lui permet de se positionner clairement au sein des services. D'où l'intérêt d'articuler le leadership clinique et le leadership managérial pour créer un leadership collaboratif et partagé », déduit Karine Wach.
« SE FAIRE CONFIANCE L’UNE L’AUTRE »
Et Lydie Houillon de confirmer cette complémentarité : « dans le cadre de la mise en place du projet de collations, nous avons eu des rôles complémentaires avec la cadre de service. L’idéal est de travailler en binôme, de bien se connaître et de se faire confiance. La cadre a été un moteur pour moi lorsqu’il me manquait des outils. Il ne faut cependant pas oublier que nous, IPA, détenons aussi de véritables outils, à savoir notre bienveillance et notre posture IPA. Grâce à cela, nous arrivons à faire beaucoup. »
Élise Kuntzelmann