En vue des états généraux de l'an prochain, des professionnels de la région Paca ont planché sur les conduites addictives en milieu professionnel. Un sujet plus facile à aborder aujourd'hui qu'il y a quelques années.
Dans la foulée des forums d’Angers et de Bordeaux qui se sont tenus les 2 juillet et 10 novembre, le Sud-Est prépare à son tour les États généraux des conduites addictives en milieu professionnel. Afin d’anticiper ce rendez-vous prévu à Paris en 2010, le conseil régional et le centre d’information régional sur les drogues et les dépendances (CIRDD) de Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) ont organisé le 15 décembre, à Marseille, un colloque sur le thème « Alcool et drogues, agir pour la santé et la sécurité au travail ».
Cette problématique s’impose désormais via le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies 2008-2011. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. « En 2006, le plan de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (Mildt) des Bouches-du-Rhône était une petite nouveauté », assure Étienne Zurbach, responsable du CIRDD Paca. Ce plan avait en effet ouvert la réflexion autour des addictions en milieu professionnel. « C’était un sujet relativement tabou, ajoute Étienne Zurbach. Ce type d’action était considéré auparavant comme relevant du libre arbitre des entreprises. » Les chercheurs n’ont pour autant pas attendu si longtemps pour s’y intéresser. Invitée à dresser un état des lieux, l’addictologue Corinne Dano, praticien hospitalier au CHU d’Angers, relève en effet « une littérature abondante ».
Reste que, sur le terrain, « on ne questionne pas forcément la place du travail par rapport aux addictions, se désole la spécialiste. Et ce quelque soit la situation : que le travail soit pathogène ou, au contraire, qu’il ait un rôle cadrant ». À ses yeux, il faut donc replacer le patient dans son contexte familial et professionnel, en cessant de disjoindre sphères privée et publique. Au fil des débats, deux constats ont émergé : l’insuffisance de formation en addictologie parmi les médecins du travail – ce qui ne facilite pas le repérage de comportements à risques – et la nécessité de travailler en réseau.
Obligations légales
Si le rôle des soignants s’avère essentiel en matière de prévention, la place de l’employeur l’est tout autant. Comme l’ont rappelé Jean-Louis Fumery et Sylvie Brico, médecins inspecteurs régionaux du travail, l’entreprise est légalement responsable en la matière. Elle doit par exemple « interdire l’accès aux locaux à toute personne en état d’ébriété ». Elle peut d’ailleurs élaborer des actions de prévention avec l’aide du médecin du travail. Ce qui – d’après une étude conduite conjointement par les CIRDD de Paca et Rhône-Alpes auprès de 235 professionnels – semble rarement le cas.
« Environ 48% des médecins sondés déclarent avoir participé à des actions de prévention [et] moins d’un médecin sur cinq serait à l’initiative », détaille la sociologue Chloé Hamant. « C’est aussi à nous de convaincre l’employeur de l’intérêt d’un telle action. Sans son adhésion, cela ne peut pas être efficace », rétorque le Dr Florence Bajon-Thery, médecin du travail.
Pour sûr, le colloque de Marseille a suscité de larges débats entre participants, ne serait-ce que sur la notion de dépendance. De quoi augurer d’états généraux peu consensuels…
Marjolaine Dihl