Les addictions au travail, du tabou au débat

26/12/2009

Les addictions au travail, du tabou au débat

En vue des états généraux de l'an prochain, des professionnels de la région Paca ont planché sur les conduites addictives en milieu professionnel. Un sujet plus facile à aborder aujourd'hui qu'il y a quelques années.

Dans la foulée des forums d’Angers et de Bordeaux qui se sont tenus les 2 juillet et 10 novembre, le Sud-Est prépare à son tour les États généraux des conduites addictives en milieu professionnel. Afin d’anticiper ce rendez-vous prévu à Paris en 2010, le conseil régional et le centre d’information régional sur les drogues et les dépendances (CIRDD) de Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca) ont organisé le 15 décembre, à Marseille, un colloque sur le thème « Alcool et drogues, agir pour la santé et la sécurité au travail ».

Cette problématique s’impose désormais via le plan gouvernemental de lutte contre les drogues et les toxicomanies 2008-2011. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. « En 2006, le plan de la mission interministérielle de lutte contre les drogues et la toxicomanie (Mildt) des Bouches-du-Rhône était une petite nouveauté », assure Étienne Zurbach, responsable du CIRDD Paca. Ce plan avait en effet ouvert la réflexion autour des addictions en milieu professionnel. « C’était un sujet relativement tabou, ajoute Étienne Zurbach. Ce type d’action était considéré auparavant comme relevant du libre arbitre des entreprises. » Les chercheurs n’ont pour autant pas attendu si longtemps pour s’y intéresser. Invitée à dresser un état des lieux, l’addictologue Corinne Dano, praticien hospitalier au CHU d’Angers, relève en effet « une littérature abondante ».

Reste que, sur le terrain, « on ne questionne pas forcément la place du travail par rapport aux addictions, se désole la spécialiste. Et ce quelque soit la situation : que le travail soit pathogène ou, au contraire, qu’il ait un rôle cadrant ». À ses yeux, il faut donc replacer le patient dans son contexte familial et professionnel, en cessant de disjoindre sphères privée et publique. Au fil des débats, deux constats ont émergé : l’insuffisance de formation en addictologie parmi les médecins du travail – ce qui ne facilite pas le repérage de comportements à risques – et la nécessité de travailler en réseau.

Obligations légales
Si le rôle des soignants s’avère essentiel en matière de prévention, la place de l’employeur l’est tout autant. Comme l’ont rappelé Jean-Louis Fumery et Sylvie Brico, médecins inspecteurs régionaux du travail, l’entreprise est légalement responsable en la matière. Elle doit par exemple « interdire l’accès aux locaux à toute personne en état d’ébriété ». Elle peut d’ailleurs élaborer des actions de prévention avec l’aide du médecin du travail. Ce qui – d’après une étude conduite conjointement par les CIRDD de Paca et Rhône-Alpes auprès de 235 professionnels – semble rarement le cas.

« Environ 48% des médecins sondés déclarent avoir participé à des actions de prévention [et] moins d’un médecin sur cinq serait à l’initiative », détaille la sociologue Chloé Hamant. « C’est aussi à nous de convaincre l’employeur de l’intérêt d’un telle action. Sans son adhésion, cela ne peut pas être efficace », rétorque le Dr Florence Bajon-Thery, médecin du travail.

Pour sûr, le colloque de Marseille a suscité de larges débats entre participants, ne serait-ce que sur la notion de dépendance. De quoi augurer d’états généraux peu consensuels…

Marjolaine Dihl

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