22/01/2010

Les banques de sang de cordon font polémique

L’Agence de la biomédecine s’associe aux sociétés savantes d’obstétrique et de greffe pour s’opposer au développement des établissements privés de stockage de sang placentaire.

L’Agence de la biomédecine, le Collège national des gynécologues et obstétriciens français (CNGOF), le Collège national des sages-femmes (CNSF) et la Société française de greffe de moelle et de thérapie cellulaire (SFGM-TC) appellent à la vigilance face à l’émergence de sociétés privées incitant les jeunes parents à la conservation du sang de cordon (ou sang placentaire) dans leurs banques de stockage.

À l'heure actuelle, une telle pratique n’est pas autorisée dans l’Hexagone (1). Mais une proposition de loi en ce sens a été déposée à l’Assemblée nationale par Damien Meslot, député UMP du Territoire de Belfort. Elle vise à autoriser l’implantation de ces banques privées de sang placentaire en France. L’une d’elles a déjà sollicité une autorisation d’établissement auprès de l’Afssaps, et cette requête est en cours d'examen.

Hypothèse discutable

D'ores et déjà, parents et soignants sont sollicités pour confier le contenu du cordon ombilical des nouveau-nés aux établissements existant à l’étranger (en Espagne, en Italie, en Suisse…). L’objectif ? Conserver ce tissu humain contenant des cellules souches hématopoïétiques, dans l’hypothèse que la recherche scientifique permettra un jour de les utiliser, via des greffes autologues, pour soigner l’enfant s’il développait, en grandissant, une maladie…

« Or, du strict point de vue médical et scientifique, l’utilisation autologue de sang de cordon, c’est-à-dire pour le donneur lui-même, est totalement inutile, souligne le professeur Noël Milpied, président de la SFGM-TC. Et rien ne laisse penser que cela pourrait changer dans un futur même lointain ! »

L’Agence de biomédecine et les sociétés savantes pointent des arguments biaisés de la part des banques privées : « On fait miroiter aux parents qu’il serait possible, à partir de cellules de sang de cordon autologue, de régénérer des tissus, pour remplacer ou réparer un organe défaillant, poursuit Jacques Lansac, président du CNGOF. Or, les cellules souches qui auraient un intérêt pour la médecine régénérative ne sont que peu, voire pas présentes dans le sang placentaire. »

En outre, le greffon autologue, dans les cas de cancers du sang, aurait pour inconvénient de « réinoculer » au patient des cellules malades, car on sait désormais que les cellules à l’origine de ces pathologies sont souvent présentes dans l’organisme dès la naissance.

« Le don doit rester solidaire »

Enfin, le stockage dans des établissements privés pourrait ralentir l’activité publique des greffes de sang de cordon. Celui-ci est actuellement collecté dans un réseau de dix maternités constitué par l’Agence de biomédecine, et stocké dans cinq établissements publics français où il est inclus, après traitement, dans les registres français et international. Là, il permet de réaliser des greffes allogéniques partout dans le monde et de soigner des malades atteints de maladies du sang (leucémies, lymphomes, myélomes, drépanocytose, thalassémies…) ou de déficits du système immunitaire.

En 2008, en France, 246 patients ont bénéficié d’une greffe de sang de cordon. Un chiffre qui augmente chaque année, selon l’Agence de biomédecine. « Ce don doit rester solidaire, afin de permettre à tous les malades d’en bénéficier », conclut Emmanuelle Prada Bordenave, directrice de l’Agence de biomédecine.
 
Sandra Mignot

1- L’Agence de la biomédecine rappelle que la conservation du sang de cordon pour un usage autologue n’est pas autorisée par la loi française car elle n’a pas fait preuve d’un usage thérapeutique. Ainsi, le prélèvement à des fins de conservation privée est lui-même une violation de la législation française, ainsi que le transport de cellules humaines (passible des articles 511-8 à 511-8-2 du Code pénal).

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