Les candidats passent leur grand oral devant les infirmières | Espace Infirmier
 
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11/03/2022

Les candidats passent leur grand oral devant les infirmières

Le 10 mars, un collectif d’associations invitait les candidats à la présidentielle à parler santé en général, et soins infirmiers en particulier. Les représentants des candidats se rejoignent sur des points cruciaux comme la reconnaissance et l'élargissement des compétences infirmières, l’octroi de plus de moyens à la Santé.

Ils ont été cinq à répondre à l’appel. Pas en personne, non. Mais Nicolas Dupont-Aignan, Valérie Pécresse, Marine Le Pen, Nathalie Arthaud et Emmanuel Macron ont chacun envoyé un représentant pour répondre aux questions d’un collectif d’associations infirmières (Anfiide, l’ANPDE, la Fnesi, le Cefiec, l’Unaibode et le Snibo*) sur leur programme pour la santé et pour la profession. Gratifiés d’un temps de parole de 45 minutes chacun, et interviewés par les représentants des associations organisatrices, ils ont ainsi eu l’occasion de promettre à leurs hôtes des recrutements, des responsabilités nouvelles ou encore des revalorisations salariales. Les échanges ont été diffusés en direct pendant la journée du 10 mars. En voici une synthèse.

-> ALEXIS VILLEPELET, pour NICOLAS DUPONT-AIGNAN  (DEBOUT LA FRANCE) – Un grand plan d’investissement pour l’hôpital public

Le premier à intervenir lors de cette journée était Alexis Villepelet, relais santé de Nicolas Dupont-Aignan. Le représentant du candidat souverainiste a martelé sa volonté de préserver la Sécurité sociale, « ciment de la nation française », alors que ces dernières années ont, selon lui, « mis à terre » le système de santé français en raison d’une « politique aveugle de réduction des coûts ». « Nous ne voulons pas remplacer la carte Vitale par la carte de crédit », a-t-il notamment lancé.

Concernant plus spécifiquement la profession infirmière, Alexis Villepelet a dénoncé « des salaires ridicules », « des amplitudes horaires gigantesques », mais aussi « des problèmes d’insécurité à l’hôpital et en ville ». Il a également estimé indispensable de renforcer l’attractivité du métier. Le « grand plan d’investissement pour l’hôpital public » que prévoit le programme de Nicolas Dupont-Aignan devrait selon lui permettre d’avancer en ce sens. Celui-ci est doté de 10 milliards d’euros « en plus du Ségur de la santé », et comprend la réouverture d’au moins « un hôpital par département » ainsi qu’une revalorisation salariale des IDE pour que leur rémunération dépasse celle de la moyenne des autres pays industrialisés. Dix autres milliards seraient consacrés à la dépendance.

Appelé à s’exprimer sur un éventuel élargissement des compétences infirmières, Alexis Villepelet a estimé qu’il s’agissait d’une direction qu’il fallait suivre, sans donner davantage de précisions. Il a par ailleurs déclaré que la profession infirmière méritait davantage de reconnaissance, notamment en matière de prise en compte de la pénibilité dans le calcul de la retraite.

-> PHILIPPE JUVIN, pour VALERIE PECRESSE (LES REPUBLICAINS) – Revoir complètement le rôle de l’infirmière

Invité à s’exprimer à la suite du représentant de Nicolas Dupont-Aignan, le Pr Philippe Juvin, conseiller « santé globale » de Valérie Pécresse, a dressé un tableau sombre du système de santé français, estimant que celui-ci « s’écroule », que les professionnels qui y travaillent sont « fatigués et désabusés », habités par la nécessité de « courir après le temps » et le sentiment de « ne pas avoir la possibilité de faire bien leur travail ». Celui qui est également chef du service des urgences à l’hôpital Georges-Pompidou de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a notamment estimé que si la santé était « évidemment une dépense », elle devait également être considérée aussi « comme un investissement ».

Le représentant de Valérie Pécresse a donc déclaré qu’il est indispensable de « former plus de monde », « d’arrêter de fermer des lits pour des raisons administratives », mais aussi de « donner des missions nouvelles à certaines professions ». Il a en particulier jugé nécessaire de « revoir complètement le rôle de l’infirmière », donnant l’exemple du suivi de l’insuffisance cardiaque, qui pourrait selon lui être effectué par une infirmière « tous les trois mois », le médecin se contentant « d’une consultation annuelle » approfondie. L’urgentiste a également affirmé « croire à la prescription infirmière », qui est selon lui « une manière de faire de la médecine moderne ».

De manière plus générale, Philippe Juvin a estimé que le système de santé reste trop centré sur l’hôpital et sur le médecin, et qu’il était nécessaire de revenir sur cet héritage historique. Il a par ailleurs appelé à réduire la part de l’administration dans le système. « Il faut dégraisser le mammouth, l’argent doit aller aux soins, s’est-il exclamé. Je préfère un sous-sous-directeur en moins à l’ARS, et une ou deux aides-soignantes en plus dans le service. »

-> PATRICK BARRIOT pour MARINE LE PEN (RASSEMBLEMENT NATIONAL) – Les infirmières en première ligne

La journée s’est poursuivie avec l’intervention du Dr Patrick Barriot, conseiller santé de Marine Le Pen. Celui-ci a dressé le constat d’un « système de santé moribond », estimant que « toute la question est de savoir si on se contente de soins palliatifs, comme c’est le cas actuellement, ou si on fait des soins intensifs », option qui a bien entendu sa préférence. Cela commencerait selon lui par « revoir complètement la gouvernance hospitalière » qui porte actuellement une « vision bureaucratique de la santé » guidée par « des indicateurs comptables et financiers », pour mettre en place une « gouvernance bicéphale » partagée entre les médecins et l’administration.

Le conseiller de Marine Le Pen a par ailleurs promis « un effort de recrutement de personnel », « un moratoire sur les fermetures de lits » et, « bien entendu », une « amélioration des salaires des infirmières » pour qu’ils rattrapent la moyenne des pays de l’OCDE. Interrogé sur la possibilité de confier davantage de compétences à la profession, il a estimé que cela constituait « l’une des priorités ».

Le maillage territorial des médecins étant moins dense que celui des infirmiers, ces derniers devraient « être en première ligne », a-t-il en effet soutenu, ajoutant qu’il trouvait « très dommage » que certains médecins soient « un peu réticents » à confier de nouveaux patients aux IPA. L’élargissement des compétences infirmières doit selon lui inclure la « possibilité de consultation, de diagnostic et de traitement ». « Il faudra que la rémunération aille avec cet élargissement », a-t-il ajouté.

-> AURELIE JOCHAUD, pour NATHALIE ARTHAUD (LUTTE OUVRIERE) – Imposer le rapport de force

Seule personnalité franchement marquée à gauche, mais aussi seule infirmière et seule femme parmi les personnalités qui se sont exprimées durant la journée, Aurélie Jochaud a offert un discours en fort contraste avec celui des autres intervenants. Si la conseillère santé de Nathalie Arthaud, comme ses homologues, déplore « des économies sur la santé votées années après année », elle a insisté sur le fait que « tous les gouvernements sont là pour servir les intérêts des grosses entreprises, des banques, du CAC 40 », et qu’ils « ne vont rien faire pour la santé ».

La conseillère de Nathalie Arthaud a tenu à rappeler que, selon elle, si le système de santé a tenu pendant la pandémie, c’est parce que « les soignants se sont démultipliés ». Ceux-ci ont selon elle fait preuve d’un « dévouement extraordinaire », tandis que « le gouvernement, lui, n’a rien fait ». « On avait l’impression qu’on nous mettait plein de bâtons dans les roues », a-t-elle même estimé.

La seule solution, selon elle, est donc d’imposer un « rapport de force », les soignants devant « prendre leur sort en main ». La représentante de Lutte ouvrière juge donc nécessaire « d’ouvrir des lits partout », « d’augmenter les salaires », « d’avoir des effectifs supplémentaires », les moyens pour financer ces dépenses se trouvant d’après elle « dans les profits des entreprises ». Le problème d’attractivité de la profession largement décrié pourrait ainsi être résolu. « Il suffirait d’augmenter les salaires et d’améliorer les conditions de travail », a-t-elle déclaré.

-> SEBASTIEN MIREK, pour EMMANUEL MACRON (MAJORITE PRESIDENTIELLE) – Réenchanter la santé

« Je ne ferai pas d’annonces sur le programme santé, car le candidat n’en a pas fait », a prévenu le Dr Sébastien Mirek, l’un des trois « relais santé » de la campagne d’Emmanuel Macron, qui clôturait cette journée. De fait, le programme santé du président sortant n’étant pas encore connu, cet anesthésiste-réanimateur a dû principalement se contenter de défendre le bilan du quinquennat. Il a tout de même noté que dans sa lettre aux Français de début mars, le chef de l’État avait parlé de la prévention et des déserts médicaux, ce qui donne une idée les grands axes d’un possible second mandat.

Se disant « fier de l’hôpital public », Sébastien Mirek a admis qu’après deux ans de crise, le système était « à bout de souffle », et qu’il avait « besoin d’être réenchanté ». Il a reconnu qu’il y avait « un besoin de reconnaissance salariale », point sur lequel le Ségur avait apporté une réponse « non négligeable », mais « vraisemblablement pas suffisante ». Le représentant d’Emmanuel Macron a par ailleurs indiqué qu’il était nécessaire de continuer à « travailler sur les pratiques avancées, les délégations, les transferts de compétences »« Il y a une réflexion à avoir sur la qualité de vie au travail », a-t-il ajouté.

L’anesthésiste a par ailleurs insisté sur le côté participatif de la campagne du président. « Nous comptons sur vous pour faire des propositions, a-t-il indiqué à plusieurs reprises. Notre méthode, c’est la coconstruction, je suis une courroie de transmission et je suis là pour écouter vos propositions»

Adrien Renaud

* Anfiide : Association nationale française des infirmières et infirmiers diplômés et des étudiants ; ANPDE : Association nationale des puériculteurs diplômés et des étudiants ; Fnesi : Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers ; Cefiec : Comité d’entente des formations infirmières et cadres ; Unaibode : Union nationale des associations d’Ibode ; Snibo : Syndicat national des Ibode.

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