Les étudiants cadres infirmiers d’Uruguay se battent pour maintenir le niveau de leur diplôme | Espace Infirmier
 
09/07/2009

Les étudiants cadres infirmiers d’Uruguay se battent pour maintenir le niveau de leur diplôme

Un mois de grève ponctué d’assemblées générales, c’est ce qu’il aura fallu aux étudiants de la Faculté de sciences infirmières de l’Université de la République (Udelar) d’Uruguay pour écarter – au moins provisoirement - un projet de réforme de l’accès à la licence infirmière jugé dangereux pour la qualité de la formation et la qualité des soins prodigués aux patients à l’avenir.

Du 4 juin au 3 juillet dernier, les étudiants de l’unique centre public de formation infirmière de Montevideo, la capitale uruguayenne, ont occupé jour et nuit les locaux de leur fac pour protester et alerter l’opinion contre un nouveau «règlement» visant à considérablement assouplir les conditions d’accès à la licence infirmière. Tout a commencé au mois d’avril, quand les étudiants de l’IEFE (Intégration des étudiants de la Faculté des sciences infirmières), une association étudiante, ont découvert ce projet de texte mis à l’ordre du jour du Conseil de la Faculté (organisme de gouvernance démocratique mixte, composé d’enseignants, d’étudiants et de représentants de l’administration) pour approbation.

Pénurie de cadres
Dans un contexte de pénurie d’infirmières en Uruguay, l’Université de Montevideo prétend augmenter le nombre d’étudiants en sciences infirmières et, in fine, le nombre de cadres paramédicaux, en capacité d’exercer. «Je peux tout à fait comprendre les différentes pressions, notamment démographiques qui existent», admet Leticia Viñas, 23 ans, étudiante en quatrième année de licence infirmière, «mais, il y a la manière, on ne peut pas laisser passer n’importe quoi».

Le système uruguayen est sensiblement différent du modèle français. Les professionnels infirmiers se divisent en deux catégories : les « auxiliaires infirmiers » et les « licenciés en sciences infirmières ». Les attributions des auxiliaires infirmiers uruguayens recouvrent celles des aides-soignantes et infirmières françaises tandis que les licenciés en sciences infirmières correspondent à nos cadres et directeurs de soins. Dans le premier cas, la formation peut se faire de deux manières : soit dans un centre universitaire public en deux ans et demi après le bac, soit dans des centres privés en 12 à 18 mois… sans le bac.

Jusque-là, seuls les étudiants bacheliers formés et ayant obtenu le diplôme d’auxiliaire infirmier pouvaient poursuivre le cursus, et, moyennant deux années supplémentaires d’études universitaires, soit quatre ans et demi au total (4.248 heures de formation incluant un neuvième semestre de 36 heures hebdomadaires d’internat obligatoire), devenir « licenciés en sciences infirmières », ce qui ouvre la voie à des postes d’encadrement des équipes de soins dans les établissements, après au moins un an de pratique infirmière « de base ». Ces professionnels licenciés pouvant ensuite, au cours de leur carrière, poursuivre leur formation par des masters ou des doctorats.

Lettre ouverte
Or la réforme défendue par la doyenne de la Faculté de sciences infirmières de Montevideo, Alicia Cabrera, prétendait permettre aux auxiliaires infirmiers non titulaires du baccalauréat et justifiant de 10 années d’expérience professionnelle d’obtenir le grade de « licenciado » après un enseignement universitaire de seulement 18 mois dont six mois en télé-enseignement par voie électronique.

Pour Nicolás Pons, étudiant de 23 ans en quatrième année de licence en sciences infirmières, cette réforme serait de nature à dévaloriser totalement un diplôme qui déjà, selon lui, manque de crédibilité aux yeux de certains. «Les diplômés de la Faculté de sciences infirmières ont déjà mauvaise réputation au sein de l’Université, mais si en plus on accepte ce nouveau mode d’accès à la licence, c’est la catastrophe !», s’émeut-il.

Avec une poignée d’autres étudiants inquiets et devant le silence de l’administration, Nicolás a pris l’initiative d’envoyer à deux quotidiens uruguayens une lettre ouverte pour dénoncer le projet et la façon dont la doyenne Cabrera prétendait l’imposer par la force. «Nous considérons que les procédures d’usage concernant ce projet n’ont pas été respectées et nous dénonçons l’oubli d’étapes essentielles telles que la diffusion préalable du texte pour analyse avec tous les acteurs concernés, sa soumission à discussion et son vote au sein du Conseil de la Faculté», pouvait-on lire dans la lettre publiée le 19 mai dans les colonnes de La República. «Nous ressentons une grande impuissance et beaucoup de vulnérabilité lorsque, quand nous nous adressons à notre plus haute autorité (la doyenne Alicia Cabrera, ndlr), les seules réponses que nous obtenons sont les suivantes : «Je ne représente pas les étudiants et je ne leur réponds pas», «Ce n’est pas la qualité des diplômés qui importe, mais leur quantité » ou encore «C’est ce règlement ou la fermeture de la Faculté». »

Un mois d’occupation
Restés sans réponse à leurs inquiétudes et interrogations, les étudiants ont fini par voter le 4 juin l’occupation de leurs locaux universitaires, empêchant la tenue des cours pendant un mois. Excédées par ce mouvement d’ampleur (le 22 juin, après près de trois semaines d’occupation une Assemblée générale rassemblait encore 805 étudiants sur les 890 que compte la Faculté), les autorités administratives de la Faculté ont fini par lâcher du leste et accepté la création de commissions de travail et d’information intégrant des représentants étudiants pour réfléchir à l’amélioration de la formation des prétendants extérieurs à la licence et aux moyens de parvenir à augmenter le nombre de licenciés en sciences infirmières sans dévaluer le diplôme. Ayant obtenu certains des gages qu’ils attendaient, les étudiants ont décidé de lever l’occupation vendredi dernier. Mais ils promettent de rester vigilants pour la suite.
Cécile Almendros  

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