La Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers a dressé un bilan mitigé de la réforme de la formation, mise en place en 2009. Au centre des critiques, les stages.
Alors que l'évaluation interne conduite par la direction générale de l'offre de soins (DGOS) est en cours, la Fédération nationale des étudiants en soins infirmiers (Fnesi) a dressé son propre bilan de la réforme LMD, mise en place en 2009. Dans sa revue trimestrielle Serum, l'association a livré les résultats d'une enquête d'opinion menée auprès de quelque 4000 étudiants en soins infirmiers (ESI), issus de « tous les Ifsi de France ». Verdict : le ressenti global des étudiants sur leur formation est « moyen » pour 44 % d'entre eux. Même appréciation sur les 59 unités d'enseignement (UE) qui composent la formation : 65% des répondants estiment qu'elles sont « moyennement » adaptées.
Les enseignements universitaires ont la cote
Bonne surprise, les cours nouvellement dispensés par des universitaires sont appréciés par 87% des étudiants. Et ce, même si un tiers d'entre eux doivent suivre ces cours par visioconférence ou sur DVD, les empêchant de poser des questions à l'intervenant. En revanche, la répartition entre cours magistraux (CM), travaux dirigés (TD), travaux personnels guidés (TPG) et travaux pratiques (TP) est inadaptée pour 76% des étudiants. Le volume horaire des CM est trop important par rapport à celui des TD, qui permettent pourtant de mieux les « digérer », commente Ève Guillaume, présidente de la Fnesi. Quant aux TP, ils sont « trop peu nombreux ».
Côté stages, « il y a très peu de positif », lance l'étudiante de 3e année. Bien que les quatre terrains de pratique obligatoires (1) soient jugés adaptés par 65 % des répondants, 69 % d'entre eux trouvent les périodes de stage trop longues. « Dix semaines dans un même service, avec une même équipe et une même pathologie, c'est trop long. On se sent vite autonome et la progression est limitée par le statut d'étudiant », développe Ève Guillaume. Mieux vaudrait, selon elle, mettre en place des stages à l'échelle d'un pôle, pour pouvoir suivre le « parcours du patient ». Problème : avec le rallongement des périodes de stage depuis 2009, les Ifsi peinent à placer leurs étudiants dans les établissements. « Quand ils se répartissent les terrains de stage un an avant, c'est la guerre ! »
Indemnités insuffisantes
Avec 23 euros par semaine en première année, 30 euros par semaine en deuxième année et 40 euros par semaine en troisième année, les indemnités de stage sont jugées insuffisantes par rapport au travail fourni, pour 94 % des étudiants. Même chose pour les indemnités kilométriques : 61% les jugent insuffisantes. À tel point que certains étudiants se trouvent parfois « dans l'obligation de trouver un logement pendant leur stage », remarque la Fnesi.
Ancien ou nouveau programme, la formation des tuteurs de stages pose toujours problème. Pour 36 % des interrogés, elle est jugée mauvaise, voire très mauvaise, notamment en ce qui concerne l'utilisation du portfolio. Cet outil, qui mesure la progression du stagiaire et l'acquisition des compétences, nécessite d'être simplifié selon la Fnesi. Par manque de temps, il est souvent rempli de « manière arbitraire » par les professionnels encadrants. Et, selon 67% des étudiants, l'évaluation faite par ces derniers serait influencée par « le regard négatif » qu'ils portent sur le nouveau référentiel de formation.
Des étudiants mal aimés
En effet, 78 % des sondés estiment que la réforme est difficilement accueillie par les professionnels. En cause, une formation moins longue que celle du référentiel de 1992 et la disparition des mises en situation professionnelles, considérées comme des « rites de passage » par les anciens. « Certains nouveaux diplômés qui ont été embauchés ont même eu droit à une formation particulière de remise à niveau, raconte la présidente de la Fnesi. Il va falloir du temps pour changer cette vision négative. »
En tout cas, la réforme n'a pas eu d'effet sur les résultats aux examens : selon les chiffres fournis par la DGOS, 92,15 % des candidats présentés en juin dernier ont été admis et 75 % des inscrits en 2009 ont obtenu leur diplôme en 2012. Des taux de réussite équivalents à ceux de l'ancien programme.
Aveline Marques
1- Les étudiants doivent effectuer au moins un stage en: soins de courte durée; soins de longue durée et SSR; santé mentale et psychiatrie; soins individuels ou collectifs sur des lieux de vie. Les stages durent 5 semaines au semestre 1 et 10 semaines aux semestres 2, 3, 4 et 5. Le semestre 6 est divisé en deux stages de 15 semaines au total. Avant la réforme, les stages duraient au maximum quatre semaines.